Place nette

Réglementer pour assurer la propreté et la salubrité des rues

Maintenir et promouvoir l'hygiène publique est l'une des prérogatives du maire. Au titre de ses pouvoirs de police, il réglemente par voie d'arrêtés municipaux le balayage, l'enlèvement des boues et immondices ou encore les tueries d'animaux. Les affiches administratives rendent compte de ces décisions à la population chargée de les appliquer sous peine de contravention. La police municipale surveille le territoire de la ville et dresse les contraventions.

Nos ancêtres étaient-ils des cochons ? La lecture des affiches peut nous le laisser penser et nous aide à mesurer les progrès faits dans le domaine de l'hygiène publique, même si parfois, il reste des efforts à faire ! En effet, en listant les interdictions et les obligations, on en déduit facilement les moeurs les plus courantes contre lesquelles les autorités publiques devaient lutter. N'oublions pas que la propreté des rues n'avait pas qu'un enjeu esthétique. Loin de là, le premier enjeu était de prémunir le territoire de la propagation des maladies. La répétition périodique de ces affiches montre sans doute que les mauvaises habitudes étaient bien ancrées et qu'il fallait appliquer la pédagogie par la répétition... et la punition !

Une affiche de 1790 nous indique que les habitants étaient chargés du balayage devant leurs propriétés. Les jours et horaires étaient fixés par la municipalité et c'est au son de la cloche que le travail devait s'exécuter ! Cette même affiche interdit, entre autres, de placer des fleurs sur les balcons et garde-corps afin d'éviter les accidents sur les passants. De même, il est interdit de jeter quoi que ce soit par les fenêtres, en particulier, les eaux claires ou sales. La disposition des enseignes sur les façades est également définie ainsi que la circulation des chevaux et voitures attelées.

L'affiche du 25 septembre 1814 rappelle les dispositions de l'arrêté pris le 17 septembre 1813. Celui-ci défend le dépôt dans les rues des débris de bouteilles cassées et autres immondices. Les habitants sont invités à déposer leurs ordures au dépôt près Saint-Charles, au sud de la Loire, en limite de la commune de Saint-Jean-le-Blanc, ce qui peut être éloigné pour certains habitants du Nord de la Loire à une époque où tous ne disposent pas de moyens de locomotion adaptés au transport. L'intérêt du document est de montrer aussi les dérives du système reposant sur les habitants. Certains disent que les détritus déposés devant chez eux l'ont été par le voisinage. Sous couvert de cette excuse, ils refusent de balayer et nettoyer. L'affiche informe que désormais ces habitants, de bonne foi ou non, seront verbalisés tout de même, la "dénégation" des faits ne suffisant pas. La municipalité tente, par ce biais, d'insuffler un vent de responsabilité collective.

Trois ans plus tard, l'affiche très détaillée du 30 janvier 1817 montre que la situation ne s'est pas améliorée d'elle-même. Le document commence par indiquer qu'il y a des plaintes sur la malpropreté de la ville et met en cause la mauvaise volonté des habitants chargés du balayage et des âniers et autres tombereaux chargés de retirer les boues. Elle annonce que l'adjudication du travail de propreté de la ville est confiée à un entrepreneur qui doit être secondé par tous les habitants. Le texte en 30 articles est une véritable pépite qui révèle les habitudes d'alors et contre lesquelles il faut lutter. On apprend que les habitants sont toujours priés de balayer devant leurs propriétés mais désormais tous les jours et toujours selon les heures fixées par la municipalité. Ils doivent aussi prendre en charge une partie des rues ainsi que le "ruisseau", c'est-à-dire le caniveau. Les eaux propres comme sales ne doivent plus être jetées dans les rues. Les boues et immondices doivent être regroupées auprès des bornes prévues à cet effet. Là, l'entrepreneur chargé de la propreté les récupère. Ses tombereaux, dont les spécifités sont décrites sur l'affiche, sont  équipés d'une cloche qui signale le passage aux habitants. En outre, c'est dans ces moments de ramassage que ces derniers doivent confier leurs détritus, en particulier ceux découlant des activités de cuisine. Plus question de les jeter par les fenêtres. Il faut les garder chez soi et les sortir le jour prévu par le réglement. Rappelons au passage que le terme poubelle voit officiellement le jour en 1884 grâce au préfet de la Seine Eugène Poubelle. 

L'affiche réglemente aussi les pratiques des commerçants. Les jardiniers et fruitiers ne doivent plus abandonner leurs restes de fruits et légumes sur la voie publique. Les aubergistes et les professionnels utilisant des chevaux ne doivent plus se débarasser du fumier n'importe où. Les bouchers et autres métiers de peaux ainsi que les poissonniers doivent laver leurs emplacements à grandes eaux, entre autres choses. Plusieurs articles invoquent la décence et les bonnes moeurs en plus des questions d'hygiène. Il est interdit aux personnes des deux sexes de "pourvoir à leurs nécessités" dans les rues ainsi qu'aux enfants. Dans la même optique, il est interdit de jeter les urines et autres défécations faites dans les maisons dans la rue. Les "maîtres" sont responsables de leurs domesticité. L'affiche indique d'ailleurs que les maisons non équipées de fosses d'aisance ou latrines devront l'être sous un délai d'un an, ce qui nous renseigne aussi sur le concept de confort privé des habitations à l'époque. A noter, l'affiche indique aussi que les cadavres de chiens, chats et autres animaux ne doivent pas être jetés dans les rivières, pratique qui s'avérait très dangereuse pour la salubrité de l'eau. Le conseil d'alors est de les ensevelir, ce qui, de nos jours a bien évolué aussi.

Une fois encore, les affiches administratives sont une mine de renseignements sur les moeurs de nos prédécesseurs et sur les efforts de l'administration pour améliorer la situation. Il ne reste plus qu'à en faire une étude historique plus approfondie !

Date de modification : 19 novembre 2018

Partager sur