La guerre franco-prussienne de 1870-1871

Le 19 juillet 1870, le gouvernement de l’empereur Napoléon III déclare la guerre à la Prusse. Le conflit oppose la France au royaume de Prusse et à ses alliés allemands jusqu’en 1871. A la défaite de la France, le traité de Francfort qui est signé le 10 mai 1871 marque la fin du conflit et la paix avec l’Allemagne.

 

La commémoration de la défense d’Orléans : la bataille des Aydes du 11 octobre 1870

C’est après la défaite de Sedan le 2 septembre 1870 et l’encerclement de Paris le 18, que les prussiens arrivent dans le Loiret par Malesherbes et Pithiviers et marchent en direction d’Orléans. C’est un combat décisif et meurtrier qui se déroule au niveau des Aydes, où l’armée française tente en vain d’arrêter l’ennemi. Orléans est envahie et reste sous l’emprise prussienne jusqu’au 9 novembre. L’Armée de la Loire remporte alors la victoire à Coulmiers, contraignant les prussiens à évacuer Orléans.

 

Les monuments commémoratifs et les cérémonies patriotiques

Du côté français, le nombre de militaires tués pendant cette guerre est estimé entre 105 000 et 140 000. L’article 16 du traité de Francfort prévoit que les États s’engagent à entretenir les tombes des militaires français et allemands ensevelis sur leurs territoires respectifs.

Par ailleurs, la loi française du 4 avril 1873 confie à l’État l’entretien des sépultures militaires, notamment en permettant l’acquisition de terrains communaux pour y créer des « carrés militaires ». L’association Le Souvenir Français est également créée pour maintenir le souvenir de la guerre de 1870, entretenir et élever, en France comme à l’étranger, les tombes des militaires et marins morts pour la patrie. En France, les situations sont très diverses : les soldats français et allemands morts au combat sont souvent inhumés sur les lieux même dans des fosses communes, parfois dans les cimetières, il arrive aussi que les corps soient enterrés là où ils sont retrouvés, tel le chasseur Louis Rossat tombé en 1870 dans le quartier des Vaupulents [secteur Nord-Ouest] à Orléans. En 1876, 2 101 tombes de soldats français et allemands sont recensées dans les cinq cimetières que compte la ville d’Orléans, ainsi qu’une dizaine de tombes et fosses militaires isolées sur des terrains privés.

A Orléans, dès 1871, les autorités ainsi que les sections de vétérans, le comité du Souvenir Français et les populations œuvrent pour l’édification d’ossuaires et de monuments commémoratifs, l’entretien des tombes des soldats, l’organisation de cérémonies patriotiques.

Entre 1871 et 1899, cinq principaux monuments, dont deux ossuaires, sont érigés sur les communes de Fleury-les-Aubrais, Orléans et Saran. Phénomène nouveau, l’édification de monuments se généralisera à la sortie de la Grande Guerre de 1914-1918.

 

Fleury-les-Aubrais - Le monument ossuaire de la Sablière

Le monument de la Sablière situé sur la commune de Fleury-les-Aubrais [rue du 11 octobre 1870] marque l’anniversaire des combats du 11 octobre 1870. Il est le tout premier monument érigé en hommage aux soldats de l’armée française ayant combattu les allemands arrivés par le Nord aux portes d’Orléans.

En 1871, les municipalités d’Orléans et de Fleury-aux-Choux [Fleury-les-Aubrais] décident d’édifier un monument sur le terrain des sablières, sur la fosse où sont ensevelis les combattants. Fleury-aux-Choux propose de fournir la parcelle de terrain et de se charger de l’entretien du monument à perpétuité. Son apport financier qui est le produit d’une souscription publique, s’élève à 1 100 francs. Le 16 août 1871, le conseil municipal d’Orléans présente un devis pour l’édification du monument entouré d’un mur de clôture, de grilles et d’accessoires qui s’élève à la somme de 5 500 francs. Un crédit de 4 400 francs est voté au budget de 1872. Le monument en forme d’obélisque est construit en granit bleu et porte la signature du marbrier orléanais « Grison ». Plusieurs inscriptions sont gravées sur les quatre faces, dont les circonstances et le nom des corps de troupes qui ont pris part au combat.

 

À NOS BRAVES DÉFENSEURS BÉNIS DE DIEU ET DE LA FRANCE TOMBÉS SUR LE CHAMP D'HONNEUR AUX AYDES EN DÉFENDANT LA VILLE D'ORLÉANS LE ONZE OCTOBRE 1870 ORLÉANS, FLEURY ET SARAN RECONNAISSANTS.

18e BATTERIE DU 10e D’ARTILLERIE, 5e BATAILLON DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE, 2e ET 3e BATAILLON DES MOBILES DE LA NIÈVRE, 5e ET 8e BATAILLONS DE MARCHE DES CHASSEURS A PIED DES COMPAGNIES DE ZOUAVES PONTIFICAUX, COMPAGNIES DES 27e 33e 34e RÉGIMENTS DE LIGNE QUI SE SONT SACRIFIÉS POUR LA FRANCE.

LEVONS-NOUS, COMBATTONS CONTRE NOS ENNEMIS ET MOURRONS POUR LA DÉFENSE DE LA PATRIE. (MACC.) ILS VIVRONT ÉTERNELLEMENT LE SEIGNEUR LEUR RÉSERVE LEUR RÉCOMPENSE. (SAG.).

AU NOMBRE DE 6000 A PEINE, ILS ONT ARRÊTÉS PENDANT UNE DEMI JOURNEE AUX PORTES D’ORLEANS PLUS DE 45000 ALLEMANDS SOUTENUS PAR PLUS DE 100 PIECES D’ARTILLERIE.

 

Le monument est inauguré le 11 octobre 1871. A cette occasion, un cortège est formé par l’ensemble des autorités civiles et militaires. C’est notamment 200 gardes nationaux et sapeurs-pompiers avec leurs officiers et ceux de l’Etat-major ainsi que la musique qui accompagnent l’Administration. Un service funèbre se déroule dans l’église paroissiale de Fleury-aux-Choux et une cérémonie commémorative au pied du monument. A Orléans, alors que les magasins, les usines et les bureaux restent fermés presque partout, c’est la population toute entière qui participe à cette première grande manifestation patriotique. Le 4 décembre suivant, une messe des morts est dite par l’évêque d’Orléans dans l’église cathédrale Sainte-Croix.

 

Saran - Le monument aux morts de la défense des Aydes et d’Orléans de 1870

En 1897, le comité départemental du Souvenir Français et la commune de Saran décident d’élever un monument à la mémoire des défenseurs des Aydes et d’Orléans lors des affrontements du 11 octobre 1870. Une souscription publique est lancée auprès des habitants des Aydes, de Saran, de Fleury-aux-Choux [Fleury-les-Aubrais], de Saint-Jean-de-la-Ruelle et d’Orléans.

Un concours est ouvert aux artistes du département du Loiret pour fournir une esquisse ou une maquette d’une statue ou d’un groupe. Le 7 octobre 1897, le jury décerne le premier prix au statuaire Charles Desvergnes, né à Bellegarde-du-Loiret. Le monument en bronze est fondu dans les ateliers Antoine Durenne. Il est composé d’un groupe de deux soldats, l’un tirant en direction de l’arrivée de l’ennemi (vers le faubourg-Bannier du coté de Paris), l’autre blessé. Le piédestal en granit gris des Vosges est réalisé dans les ateliers du marbrier orléanais A. Grison, fils. Plusieurs inscriptions sont gravées sur les quatre faces :

le nom des corps de troupes qui ont pris part au combat du 11 octobre 1870; un médaillon en bronze entouré de palmes à l’effigie du commandant Arago du 5ème bataillon de la Légion Étrangère mort sur le lieu de la bataille; une dédicace à la mémoire des défenseurs des Aydes et d’Orléans; une devise accompagnée d’une phrase extraite d’un essai de Montaigne; une mention du Souvenir Français et de la souscription publique.

 

5e BATAILLON DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE, 5e ET 8e BATAILLONS DE CHASSEURS A PIED, 3e BATAILLON DU 39e DE LIGNE, MOBILES DE LA NIÈVRE, ZOUAVES PONTIFICAUX, BATTERIE DU 10e D'ARTILLERIE.

V. ARAGO - 1833-1870, AUX DÉFENSEURS D'ORLÉANS, 11 OCTOBRE 1870.

HONNEUR ET PATRIE, IL YA DES DÉFAITES TRIOMPHANTES, À L’ENVI DES VICTOIRES.

SOUVENIR FRANCAIS ET SOUSCRIPTION PUBLIQUE 1898 - 1899.


Le monument est érigé sur le territoire de Saran, dans le quartier des Aydes au lieu-dit « la Bascule », à la limite entre les villes d’Orléans, de Saran et de Fleury-les-Aubrais. Il est inauguré le dimanche 30 avril 1899. Un cortège est organisé sur la route de Chartres, puis la route de Paris [faubourg-Bannier], jusqu’à la Chapelle-Vieille des Aydes où l’ensemble des représentants officiels assistent à une cérémonie religieuse. Lors du premier discours prononcé devant le monument, Gustave Renault, président du comité orléanais du Souvenir Français, remet officiellement le monument en propriété à la Ville de Saran.

 

Orléans - Le monument ossuaire de la guerre de 1870

Ce monument est construit par l’État français en 1878 pour être érigé dans le cimetière Saint-Vincent d’Orléans. Il est destiné à abriter les restes de 902 soldats français et de 1 199 allemands. Composé d’une colonne quadrangulaire et d’un entourage de pierre, il porte la mention suivante :

 

A LA MÉMOIRE DES SOLDATS MORTS PENDANT LA GUERRE DE 1870-1871


En 1899, le Grand Cimetière est mis en service boulevard Lamartine. L’année suivante, le conseil municipal projette d’y déplacer l’ossuaire. En effet, la circulaire ministérielle du 23 mars 1896 recommande aux municipalités de ne pas laisser les tombes militaires dans les enceintes tombées en désuétude, au détriment de leur entretien et du respect qui leur est dû.

Pour donner au monument une nouvelle place digne, on envisage de le placer sur un terre-plein circulaire de 2,80 mètres de hauteur et sur le rond-point central du cimetière. Un escalier encastré dans le talus planté d’arbres doit permettre d’accéder à son sommet. La municipalité envisage également d’y déplacer les ossements des militaires morts pendant leur temps de service.

Le projet est évalué à la somme de 12 000 francs. La Ville s’engage à acquitter les dépenses de 4 500 francs pour l’établissement du tertre, de l’escalier et du glacis, tout en souhaitant que l’État prenne à sa charge la somme de 7 500 francs correspondant à la translation du monument

En 1901, les membres du Souvenir Français décident de participer à hauteur de 500 francs aux frais de déplacement de la tombe militaire du cimetière Saint-Vincent. Le cahier des charges est approuvé le 9 septembre 1901.

 

Orléans - Le monument aux morts du cimetière des Aydes

En 1893, le comité du Souvenir Français enquête sur des sépultures de guerre mal identifiées, qui sont situées dans le cimetière des Aydes d’Orléans [rue de l’Ormerie]. Il estime que de simples croix sur la terre et mal placées de chaque côté de l'entrée, ne sont pas suffisantes pour rappeler aux jeunes générations le dévouement de 40 martyrs.

Le comité sollicite l’autorisation de la Ville d’Orléans d’élever à ses frais un monument, les recherches conduites par l’inspection des cimetières ayant démontrées que les corps n’avaient jamais été transportés ni à la Sablière, ni dans l’ossuaire Saint-Vincent. Plusieurs inscriptions sont relevées :

Sur la tombe de droite,

« Emile Allain, caporal au 39e de ligne de la Sarthe blessé le 12 mars 1871. Il souffrait avec le courage d’un brave et la résignation d’un chrétien. Il fut reconnu par sa famille ; son corps est dans un cercueil. Dans cette même fosse se trouvent les restes mortels de 27 soldats français du 4e et 16e chasseurs de Vincennes, du 39e de ligne de la Légion étrangère qui ont succombé le 11 octobre 1870 sur cette paroisse ».

 Sur la tombe de gauche,

« 22 officiers et soldats de l’armée française des mobiles de la Légion étrangère qui ont succombé sur cette paroisse et dans les ambulances après les combats du 4 décembre 1870 ».


AUX SOLDATS MORTS POUR LA PATRIE

SOUVENIR FRANÇAIS 1894.

A L’OMBRE DE CE MONUMENT REPOSENT 50 OFFICIERS
ET SOLDATS FRANÇAIS TOMBÉS EN DÉFENDANT
LA VILLE D’ORLÉANS SAVOIR,
27 LE 11 OCTOBRE 1870
23 LE 4 DÉCEMBRE 1870
ILS APPARTENAIENT AU 4e ET AU 16e BATAILLONS
DE CHASSEURS À PIED AU 39e DE LIGNE À LA GARDE MOBILE
ET À LA LÉGION ÉTRANGÈRE.

LEURS CONCITOYENS RECONNAISSANTS.

 

Orléans - Le monument du petit chasseur 

Un hommage particulier rendu au soldat alsacien Louis Rossat

En 1893, le Souvenir Français élève un monument à la mémoire d’un « soldat modèle », Louis Rossat.

 « En 1870, le soir du 11 octobre, un chasseur à pied du 5e bataillon de marche, Louis Rossat, a été tué au sud de la levée du chemin de fer d’Orléans à Tours, près de la rue des Vaupulants et inhumé le lendemain ou quelques jours après à l’endroit même où il avait été tué par les allemands en faisant bravement son devoir de français. Pendant de longues années, les habitants du quartier honorèrent d’un hommage particulier la tombe de ce brave soldat, soit en lui érigeant un modeste monument, soit en lui portant périodiquement des fleurs et des couronnes, soit enfin en y gravant des inscriptions touchantes. Ennuyé de tous ces pèlerinages, le propriétaire du terrain nommé Massoneau, fit exhumer il y a 4 ou 5 ans, les restes du modeste soldat et les fit transporter au cimetière Saint-Vincent (…) ».

Dans ce courrier adressé au maire d’Orléans, le comité souhaite que les restes du soldat soient exhumés pour être placés sous le nouveau monument. Mais malgré la demande réitérée de la famille de Louis Rossat, le maire considère alors que les restes du jeune héros occupent la place qui leur convient au milieu des restes de ses frères d’armes, dans le mausolée élevé par l’État français.

Le monument est érigé à l’aide d’une souscription publique près du champ de manœuvre des Groues [ancien terrain militaire]. Il est inauguré le 28 mai 1893. En forme d’obélisque, il porte l’insigne des bataillons de chasseurs, le cor, qui est entouré de palmes, ainsi que plusieurs mentions :

 

A LA MÉMOIRE DE LOUIS ROSSAT, SOLDAT AU 5e CHASSEUR A PIED, NÉ A GROSNE (HAUT-RHIN), LE 19 JANVIER 1849, TOMBÉ AU CHAMP D’HONNEUR, LE 10 OCTOBRE 1870.

IL AVAIT ÉTÉ INCORPORÉ AU 16e BATAILLON LE 12 AOUT 1870 SOUS LE N° MATRICULE 2625.
PETIT CHASSEUR PLEIN DE VAILLANCE, TA MORT ATTRISTE TA VERTUE.

SOUVENIR FRANÇAIS, 1893.

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