Une nouvelle école : 1971

Le Campo-Santo et ses abords. 7 juillet 1941. Photographie. Cliché : H. Barenger. Collection particulière
Le Campo-Santo et ses abords. 7 juillet 1941. Photographie. Cliché : H. Barenger. Collection particulière

Une nouvelle école : 1971

Lors de sa séance du 22 septembre 1961, le conseil municipal approuve le contrat passé avec l’architecte Lucien Martin qui est désigné pour l’étude et la réalisation de la reconstruction de l’Ecole des beaux-arts d’Orléans. Un avant-projet, défini avec les conseils de l’architecte des Bâtiments de France, Robert Boitel, est examiné et approuvé en séance du 23 mars 1963.

Si l’idée de délocaliser l’école sur le domaine de La Source est évoquée, la reconstruction sur le même site entend participer à la renaissance de l’architecture du Campo-Santo. Le projet comprend le déménagement des pompiers installés sous les arcades, la suppression de la salle des fêtes remplacée par la construction à venir du nouveau Palais des Sports et la fermeture du Campo-Santo sur le côté sud par un nouveau bâtiment. Le maire suggère également la création d’un jardin lapidaire au milieu des arcades.

D’ores et déjà, diverses questions d’ordre esthétique se posent sur la construction d’un bâtiment qui va constituer la quatrième aile du Campo-Santo, cet ancien cimetière et cloître gothique du 15e siècle. Le projet est soumis aux avis du Conseil supérieur des Monuments historiques et du Conseil général des Bâtiments de France.

Le programme est arrêté en accord avec la direction de l’école et les services du ministère d’Etat chargé des Affaires culturelles. Il comporte, au titre des services généraux : une bibliothèque et 5 salles de collections ; une salle d’exposition ; des locaux administratifs limités à 6 pièces, dont une salle des professeurs et l’atelier du directeur ; les logements du directeur (5 pièces) et du concierge ; 3 chambres d’hôtes.

Au titre des locaux d’enseignement : un atelier de céramique ; un atelier de sculpture (occupant 2 niveaux) ; des ateliers de gravure, décoration, peinture, perspective et architecture, photographie et typographie et plusieurs ateliers disponibles pour des disciplines diverses ; 2 salles de dessin, une salle d’études documentaires et une salle de travaux pratiques, un certain nombre de loges.

Un avant-projet rectificatif est approuvé le 26 avril 1963 dont le montant est évalué à 3 100 000 francs.

Le projet implique également la restructuration complète du quartier et plusieurs opérations immobilières s’avèrent incontournables. Avec la démolition des bâtiments de l’école, des commerces avoisinants situés rue Dupanloup et des immeubles privés rue Monseigneur-de-Jarente, de nombreux occupants des lieux doivent être déplacés ou relogés : Fédération de sauvetage-ambulanciers-brancardiers du Loiret ; Centre médico-espagnol ; Service municipal d’hygiène ; Services financiers de la Ville et service de l’éclairage public ; Atelier de reliure de la Bibliothèque municipale ; Imprimerie municipale ; Concierge de la Salle de fêtes ; Atelier de mécanographie Japy ; Le café-tabac.

Par arrêté préfectoral du 18 novembre 1964, le projet de reconstruction de l’Ecole des beaux-arts d’Orléans est déclaré d’utilité publique et la Ville est autorisée à acquérir les immeubles nécessaires à la réalisation de l’opération.

Immeubles avant leur démolition en bordure au sud, rue Dupanloup. Vers 1960-1970. Photographie. Archives municipales d’Orléans, 3Fi479. Cliché : Architecte des Bâtiments de France.
Immeubles avant leur démolition en bordure au sud, rue Dupanloup. Vers 1960-1970. Photographie. Archives municipales d’Orléans, 3Fi479. Cliché : Architecte des Bâtiments de France.
Immeubles avant leur démolition en bordure au sud, rue Dupanloup. Vers 1960-1970. Photographie. Archives municipales d’Orléans, 3Fi480. Cliché : Architecte des Bâtiments de France.
Immeubles avant leur démolition en bordure au sud, rue Dupanloup. Vers 1960-1970. Photographie. Archives municipales d’Orléans, 3Fi480. Cliché : Architecte des Bâtiments de France.
De gauche à droite : Café-bar et bureau de tabac Jacquet, 18, rue Dupanloup ; Mécanographe Japy, 16, rue Dupanloup ; Entrée de l’ancienne rue Monseigneur-de-Jarente qui donnait accès au Campo-Santo.

Ministère d'Etat chargé des Affaires culturelles. Courrier du ministre, André Malraux, au maire d'Orléans, Roger Secrétain, pour le subventionnement de la reconstruction de l'Ecole des beaux-arts d'Orléans. 1962. Archives municipales d'Orléans, M3134
Ministère d'Etat chargé des Affaires culturelles. Courrier du ministre, André Malraux, au maire d'Orléans, Roger Secrétain, pour le subventionnement de la reconstruction de l'Ecole des beaux-arts d'Orléans. 1962. Archives municipales d'Orléans, M3134

Les vicissitudes du projet

De 1961 à 1967, 9 avant-projets successifs sont soumis à l’appréciation du Conseil général des Bâtiments de France et du Conseil supérieur des Monuments historiques. Les deux administrations émettent des avis divergents, tout en rejetant les propositions des architectes. Les difficultés rencontrées provoquent l’intervention en personne du maire, Roger Secrétain, auprès du ministre des Affaires culturelles, André Malraux. Le ministre souhaite alors inscrire le programme de reconstruction de l’Ecole des beaux-arts d’Orléans dans le quatrième plan d’équipement culturel (budget de l’année 1964). La participation de l’Etat est envisagée à hauteur de 50% de la dépense.

Les divergences portent sur le fait que la future école sera adossée au côté sud du Campo-Santo. Quelle esthétique adopter dans un quartier frappé de servitudes archéologiques : bâtiments classés du Campo-Santo et Cathédrale ? Le côté sud doit-il rester fermé ou bien être largement ouvert ? Un style architectural de transition doit-il se raccorder aux galeries ouest et est, ou faut-il opter pour un style résolument moderne ?

Ville d'Orléans. Ecole des beaux-arts. Vue perspective du Campo-Santo. Avant projet. 1964. R. Boitel, architecte conseil et L. Martin, architecte d'opération. Archives municipales d'Orléans, M3135
Ville d'Orléans. Ecole des beaux-arts. Vue perspective du Campo-Santo. Avant projet. 1964. R. Boitel, architecte conseil et L. Martin, architecte d'opération. Archives municipales d'Orléans, M3135
Ville d'Orléans. Ecole des beaux-arts. Croquis perspectif.  Avant projet. 1965. R. Boitel, architecte conseil et L. Martin, architecte d'opération. Archives municipales d'Orléans, M3135
Ville d'Orléans. Ecole des beaux-arts. Croquis perspectif. Avant projet. 1965. R. Boitel, architecte conseil et L. Martin, architecte d'opération. Archives municipales d'Orléans, M3135

En 1966, Guillaume Gillet, architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux, propose de conserver les bâtiments du 19e siècle donnant sur le Campo-Santo, tout en concevant une architecture moderne le long de la rue Dupanloup, pouvant aller jusqu’à l’utilisation de murs rideaux métalliques. Une partie des locaux serait aménagée en sous-sol afin de permettre l'alignement du bâtiment sur la hauteur des arcades du Campo-Santo, tout en préservant la surface totale prévue, la rue Monseigneur-de-Jarente serait traitée en glace pour ménager la perspective sur la cathédrale.

A cette date, le projet étant au point mort, la municipalité envisage de délocaliser l’école vers un nouvel emplacement. Le 29 juillet, après un long exposé du maire sur le blocage de la situation dont la presse se fait l’écho, le conseil municipal approuve l’esquisse du nouvel avant-projet proposé par Guillaume Gillet. Cette proposition est de nouveau remise en question en novembre par Max Querrien, directeur de l’Architecture au ministère de la Culture, qui propose la création d’un bâtiment unique franchement contemporain. Ce nouvel avis provoque la démission de l’architecte Robert Boitel.

Un nouvel avant-projet daté de février 1967 est donc mis au point sur la base de ces directives, comprenant : un bâtiment unique avec un grand hall central et une liaison entre les 2 corps de bâtiment au 3ème étage, ainsi que l’abandon de la transparence du hall d’accueil. L’étude est écartée par la Direction de l’Architecture dont le Service de la création architecturale propose alors une nouvelle solution en août 1967 : suppression du hall central pour des espaces de proportion plus modestes présentant des facilités de circulation. La question des façades reste entière.

Ville d'Orléans. Ecole des beaux-arts. Façades. Avant-projet. 1966. Guillaume Gillet, architecte.
Ville d'Orléans. Ecole des beaux-arts. Façades. Avant-projet. 1966. Guillaume Gillet, architecte.
Ville d'Orléans. Ecole des beaux-arts. Avant-projet. 1966. Guillaume Gillet, architecte.
Ville d'Orléans. Ecole des beaux-arts. Avant-projet. 1966. Guillaume Gillet, architecte.
Ville d'Orléans. Ecole des beaux-arts. Façade sud. Avant-projet. 1966. Guillaume Gillet, architecte.
Ville d'Orléans. Ecole des beaux-arts. Façade sud. Avant-projet. 1966. Guillaume Gillet, architecte.
"L'irritant problème de l'Ecole des beaux-arts devant le conseil municipal". 1er août 1966. Article de presse. La République du Centre. Archives municipales d'Orléans, M3134
"L'irritant problème de l'Ecole des beaux-arts devant le conseil municipal". 1er août 1966. Article de presse. La République du Centre. Archives municipales d'Orléans, M3134
"La reconstruction de l'Ecole des beaux-arts. Une belle opération caractérisée par la lenteur". 9 mars 1967. Article de presse. La Nouvelle République. Archives municipales d'Orléans, M3134
"La reconstruction de l'Ecole des beaux-arts. Une belle opération caractérisée par la lenteur". 9 mars 1967. Article de presse. La Nouvelle République. Archives municipales d'Orléans, M3134

Par courrier du 22 septembre 1967, une nouvelle intervention du maire, Roger Secrétain, auprès du ministre, André Malraux, exprime le complet découragement de l’équipe municipale devant l’échec de l’aboutissement du projet de reconstruction de l’école d’Orléans.

Ainsi, dès octobre, une nouvelle réunion est provoquée au ministère des Affaires culturelles, où sont discutées de nouvelles esquisses proposées par le Service de la création architecturale et Pierre Lablaude, architecte des Monuments historiques pour le département du Loiret. L’architecte Lucien Martin est alors chargé de réaliser des maquettes de ce nouveau projet de style résolument moderne.

En janvier 1968, après plusieurs ajustements, le dossier est présenté devant le Conseil général des Bâtiments de France qui émet un avis favorable, malgré encore quelques réserves. Le 26 juillet suivant, le dossier de plans est approuvé par le conseil municipal. Le projet finit par aboutir au début de l’année 1969 avec le dépôt du permis de construire et le lancement de la consultation des entreprises.

Dans le même temps, plusieurs marchés sont passés pour la démolition des immeubles de la rue Dupanloup et de l’ensemble des bâtiments de l’école. Les procédures administratives d’appel d’offre, suivies des opérations de démolition se déroulent en plusieurs tranches de septembre 1967 à novembre 1968.

Reconstruction de l’Ecole des beaux-arts d’Orléans. Maquette de l’avant-projet, novembre 1967. Vue de la façade nord. Lucien Martin, architecte. Photographie. Cliché : Jaques. Archives municipales d’Orléans, M3134
Reconstruction de l’Ecole des beaux-arts d’Orléans. Maquette de l’avant-projet, novembre 1967. Vue de la façade nord. Lucien Martin, architecte. Photographie. Cliché : Jaques. Archives municipales d’Orléans, M3134
Reconstruction de l’Ecole des beaux-arts d’Orléans. Maquette de l’avant-projet, novembre 1967. Vue de la façade sud. Lucien Martin, architecte. Photographie. Cliché : Jaques. Archives municipales d’Orléans, M3134
Reconstruction de l’Ecole des beaux-arts d’Orléans. Maquette de l’avant-projet, novembre 1967. Vue de la façade sud. Lucien Martin, architecte. Photographie. Cliché : Jaques. Archives municipales d’Orléans, M3134

24 octobre 1968. Je suis allé voir un camarade, il m’a donné des nouvelles de l’école. Nous devrions choisir nos cours. Chaque prof aura sa salle et nous ferons nous-même notre propre emploi du temps.

Je suis passé devant notre école en démolition. Elle n’a plus de toiture, le grenier dans lequel nous travaillions durant les grèves est à ciel ouvert. Nous avions eu si chaud sous les toits, il y avait du soleil, c’était le temps des manifestations, la crise, et bientôt l’été. Que j’aimais cet espace où l’on échangeait beaucoup de choses à travers les lucarnes. J’étais presque heureux. Aujourd’hui nous voyons l’escalier aller nulle part, en haut c’est le vide. Deux portes d’une ancienne salle de cours sur une façade à moitié écroulée. Combien de fois les ai-je franchies ? Et pour quelles raisons ? Envie de lui parler à ce bâtiment ! Demain je reviendrai faire quelques photographies. Il y a quelques jours j’avais observé la pelleteuse, chacun de ses coups me faisait réellement mal, comme si j’étais ce bâtiment. Ma première année de Beaux-Arts, je ne l’oublierai jamais.

Extrait du journal de Félipe Martinez

La nouvelle école d’Orléans. Illustration extraite de : Orléans. Roger Secrétain. Editions S.A.E.P. : Colmar-Ingersheim, 1972. Archives municipales d’Orléans, US110
La nouvelle école d’Orléans. Illustration extraite de : Orléans. Roger Secrétain. Editions S.A.E.P. : Colmar-Ingersheim, 1972. Archives municipales d’Orléans, US110

Un bâtiment fonctionnel au style controversé

Initiée par l’architecte Guillaume Gillet, la conception moderne du bâtiment est le fruit d’une collaboration continue avec les architectes d’opération Pierre Lablaude et Lucien Martin. Supervisé par le Service national de la création architecturale, 10 années auront été nécessaires pour que le projet de reconstruction de l’école puisse aboutir. 2 ans après le début des travaux en septembre 1969, les locaux sont en cours d’achèvement pour la rentrée scolaire 1971-1972.

Contrairement aux premières esquisses, le nouveau bâtiment est aligné sur la hauteur des corniches du Campo-Santo et referme entièrement le côté sud du cloître, le long de la rue Dupanloup. Son style moderniste met en valeur le verre et l’aluminium, sa structure en béton est recouverte d’un parement en pierre. Il dispose d’un toit terrasse et de « sheds » à l’extrémité ouest pour assurer l’éclairage des petites pièces orientées au nord. La façade sud est agrémentée de pare-soleil en aluminium « bronze » se voulant d’une certaine sobriété.

L’architecture du nouveau bâtiment ne fait pas l’unanimité parmi les membres du conseil municipal. René Thinat, nouveau maire élu le 29 mars 1971, juge inesthétique la conception du bâtiment. Tous s’accordent pourtant à reconnaître les aspects rationnels et spacieux des espaces qui offrent 2 500 mètres carrés de locaux scolaires, dont 12 grands ateliers et 7 salles de 80 à 208 mètres carrés.

"La nouvelle Ecole régionale des beaux-arts s'offre à un premier examen". 1971. Article de presse. La République du Centre. Archives municipales d'Orléans, M3134
"La nouvelle Ecole régionale des beaux-arts s'offre à un premier examen". 1971. Article de presse. La République du Centre. Archives municipales d'Orléans, M3134
"Ecole des beaux-arts : je me demande comment on a pu convevoir une telle architecture". 26 et 27 juin 1971. Article de presse. Archives municipales d'Orléans, M3134
"Ecole des beaux-arts : je me demande comment on a pu convevoir une telle architecture". 26 et 27 juin 1971. Article de presse. Archives municipales d'Orléans, M3134
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