La layette que l'on ne pouvait se résoudre à jeter

En 2015, les Archives d’Orléans sont sollicitées dans le cadre d’une succession familiale. Les personnes qui nous contactent sont en train de vider la maison d’André Coffrand, mari de leur mère défunte. Ils nous expliquent que ce dernier n’a pas eu d’enfant. Dans une armoire du sous-sol, ils ont trouvé quelques-uns de ses cahiers d’écolier. Né sans doute en 1919 ou 1920, André Coffrand a fait sa scolarité à Orléans, d’abord à l’école primaire 7, rue Serpente, puis au Collège supérieur de garçons Benjamin-Franklin, situé alors 42, rue des Turcies. Les cahiers couvrent la période 1925-1937. Ils portent sur l’enseignement de matières variées comme l’arithmétique, le français, la musique ou encore le dessin et sont en parfait état.

Les descendants ne souhaitent pas conserver ces documents. Cependant, sans doute avec une certaine surprise teintée de respect d’avoir découvert ces quelques cahiers d’écoliers conservés là depuis tant d’années, au milieu du reste de toute une vie, ils nous expliquent qu’ils préfèreraient ne pas les jeter. Pour nous, il s’agit de documents qui témoignent de la vie scolaire orléanaise. Nous n’avons pas ce genre de fonds. En conséquence, nous acceptons le don.

Rapidement, les héritiers nous expliquent que les cahiers ne sont pas les seuls objets dont le devenir les préoccupe. A côté des travaux scolaires, le cartable, la trousse, des porte-plumes, des pinceaux et des crayons sont là. Leur propriétaire les a conservés toute sa vie durant. Ils sont intacts comme s’ils avaient été utilisés encore la veille. Habituellement, les Archives d’Orléans ne collectent pas les objets. Cependant, nous faisons une exception. Le cartable et la trousse forment un ensemble avec les cahiers. Ils peuvent être utiles, on ne sait jamais ! *

Mais le cartable, la trousse et son contenu ne vont pas être les seules exceptions à nos règles d’archivistes. Les héritiers d’André Coffrand nous présentent finalement une grande boîte marquée d’une publicité pour le magasin Le Bon Marché, à Paris. A l’intérieur, délicatement plié, on retrouve tout un ensemble de layette qui date du début des années 1920. On nous explique qu’il s’agit probablement de la propre layette d’André Coffrand, qu’il devait lui-même tenir de ses parents. Les héritiers ne se résolvent pas à jeter les marques d’un souvenir conservé si pieusement et nous demandent de prendre en charge la boîte et son contenu, charge à nous de conserver ces vêtements ou de trouver une institution à même de les recevoir.

Mais qui ira chercher de la layette dans un service d’archives ? Nous pensons que ces vêtements n’ont pas leur place sur nos étagères ! Nous acceptons cependant, avec respect, de prendre ces objets et de les proposer en don à des institutions ou musées. Après quelques tentatives qui n’aboutissent pas, il nous faut décider du devenir de cette layette. Nous choisissons finalement de la conserver avec le reste du fonds André Coffrand. Nous non plus, nous ne nous résolvons pas à jeter ces traces – fugaces – de l’enfance et de la vie passée d’un Orléanais **.

 

* Le cartable, un porte-plume et des crayons ont été utilisés d’avril 2015 à août 2016 dans le cadre de l’exposition « Orléans pendant la Grande Guerre : une ville et des vies à l’arrière ».

** La boîte et la layette seront présentées dans le cadre des Journées européennes du patrimoine 2017 dont le thème porte sur la « Jeunesse ».

Layette, 1920. (AMO, 32S19)
Layette, 1920. (AMO, 32S19)
Etiquette, "Au bon marché, nouveautés, Paris". (AMO, 32S19)
Etiquette, "Au bon marché, nouveautés, Paris". (AMO, 32S19)
Petite robe et bavoir, 1920. (AMO, 32S19)
Petite robe et bavoir, 1920. (AMO, 32S19)
Chaussures, culotte et chemise de corps, 1920. (AMO, 32S19)
Chaussures, culotte et chemise de corps, 1920. (AMO, 32S19)

Date de modification : 27 janvier 2018

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