Lettre d'Ambroise Soudé, signée Frère Ignace, à ses parents Berthe et Henri, Avesnes [5 avril 1914].
Transcription
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    Avesnes - Dimanche [ 5 avril 1914 ]
    In Ramis Palmorum [ Aux Rameaux ]
    Mes chers Parents.
    Me revoilà parti au train-train quotidien. J'étais « exempt de chaussures » c.à.d. [ c'est-à-dire ] que je devais rester en chaussons jusqu'à jeudi. Je me suis représenté à la visite, et le major (celui que maman a vu) m'a fait reprendre le service. Jeudi soir, j'étais en route, le fusil à la bretelle et sac au dos.
    Nous faisons la petite guerre, contre la classe 13 qui faisait ses marches d'épreuves. Vendredi, il y a eu manoeuvre de bataillon. Les classes 11 et 12 devaient s'opposer à la rentrée de la classe 13 et naturellement devaient être battues, puisque de tte nécessité, il fallait revenir manger la soupe à 5h. Départ à 12h30 sur la route de Landrecies. Puis oblique à droite, passés à Dompierre. Ayant atteint la route d'Aulnoye, la 11e Cie qui formait l'arrière garde s'avança de 2 kil environ vers Avesnes, puisque la classe 13 ennemie devait nous arriver de St Rémy Chaussée. En fait, elle avait marché plus vite que notre

    [ En marge, suite de la dernière page ] pr rien et le Bon Dieu arrangera cela. Ne vous inquiétez pas plus que moi. Je laisse cela s'éteindre et s'apaiser - co [ comme ] cela en a l'air- et je m'en vais à la bénédiction des rameaux.
    Je vous embrasse

    fr. Ignace.
  • commandant ne l'avait prévu. Co ns ns [ comme nous nous ] avancions tranquillement en colonne par 4 pr prendre notre place d'arrière-garde, vran...... nous recevons un bon feu de salve. C'est ce qu'on appelle se faire surprendre. Aussitôt notre section est désignée pour garnir une haie. Il faut escalader ttes ces clôtures q [ qui ] séparent les prairies à peu près co  [ comme ] en Normandie. Ns [ nous ] étions 30 en tirailleurs à la haie. Le sergent grimpé dans l'arbre désigne l'objectif. J'ai tiré mes 8 cartouches sans avoir vu un seul ennemi. Je n'en ai vu, de tte la journée, qu'à la grd' halte [ grand ] , en train de vider la bière du cantinier. Puis il fallut déguerpir .... je ne sais prquoi, puisque je ne voyais personne. Mais enfin, c'était écrit, ns [ nous ] étions battus. On se replie au pas de course, dans un bois d'où on crut ne ja [ jamais ] sortir. Il fallut rentrer ds une ferme et traverser les bâtiments pr rejoindre la route au lieu appelé la Lobiette.
    Après ce brillant fait d'armes, la classe 13 q avait eu fort chaud, co [ comme ] ns = [ également ] est partie en permission de 15 jours.
    Je me trouve tout moulu et courbaturé de cette rentrée vigoureuse en scène. Ma blessure au pied se porte bien. Une très légère inflammation révèle seulement que le pied a fatigué à cet endroit. Par contre la peau était très molle, qq  [ quelques ] petites ampoules se st [ sont ]

    formées au talon. Ce ne sera rien du tout.
    Avez-vous su par Lucien à q [ qui ] je l'ai écrit, la vilaine affaire qui m'est arrivée avec mon lieutenant ? J'avais dit à maman que je me brouillais avec lui. Je ne croyais pas cela sérieux. Ca l'était. Il s'agit d'une lettre adressée au capitaine par le P. Hugueny à propos de mes demandes de permissions de Belgique, finalement refusées. Le P Hugueny avait cru bien faire en signalant au capitaine ma situation et en exposant ce que les autres frères avaient fait. Le capitaine s'est offensé de cette lettre. D'ailleurs, plusieurs détails et arguments ne pouvaient être connus du père que par moi. Le lieutenant q [ qui ] a pris l'affaire à son compte en l'absence du capitaine, ayant rapproché d'une façon exagérée mon écriture et celle du Père, en a conclu que j'étais l'auteur de la lettre. Il a essayé par tous les moyens d'un interrogatoire en règle d'une heure ½ de me faire dire que j'avais écrit cette lettre ou au moins que j'en avais fourni les idées, que je l'avais demandé. Il se joint à tt cela des circonstances malheureuses de nature à fortifier l'accusation : ne sachant pas
  • le nom du capitaine, le Père m'avait envoyé la lettre pr que je l'adresse moi-même. Mon écriture se retrouve sur l'enveloppe etc. etc.
    Bref, le lieutenant, bien que n'ayant pas pu me faire avouer une ch [ chose ] que je n'avais pas faite, et dont je fus du 1er coup abasourdi, me déclara qu'il prenait co [ comme ] chef actuel de la compagnie, une sanction : me rayer du peloton. La décision était néanmoins remise au commandant. Cela se passait lundi. Depuis ce jour, plus rien. Que s'est-il passé ??? Attend-on le retour du commandant ? capitaine ? Le commandant a-t-il trouvé l'accusation forcée ?
    Le lieutenant en question n'est pas celui que papa avait rencontré en chemin de fer. Ils pars Mais celui q [ qui ] s'occupe du peloton. Il parait que vous m'aviez recommandé par l'intermédiaire de celui que vs aviez vu, à celui du peloton. Ce dernier m'a dit au cours de l'interrogatoire qu'il se moquait assez de ce genre de recommandation, qu'il en tenait compte ds le mesure où l'individu le méritait et co [ comme ] en l'occurrence, j'étais accusé ouvertement d'indiscipline, de calomnie etc. etc. la recommandation paraissait agir en sens inverse.
    Bref ce fut une pénible affaire, d'autant que c'était co [ comme ] religieux qu'il m'accusait : religieux manquant au devoir militaire et apportant ds l'armée des idées et des moeurs indisciplinées. Je n'y suis


    [ En marge, suite de la note en marge page 1 ] J'attends toujours les résultats de mes photos en tenue de campagne. Je vs enverrai 1 carte d'Avesnes.
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