Signalements, recherches et demandes de renseignements
Le cas de l'enfant de Saint-Prest
Dans la sous-série consacrée à la police générale, cotée en 2J, on retrouve plusieurs dossiers où sont regroupées des demandes de renseignements, de recherches dans l’intérêt des familles et des signalements. Pour les plus anciens documents, qui remontent à la fin du 18e siècle, on suppose que l’archiviste a conservé tous les éléments qui lui étaient parvenus. Pour les plus récents, c’est-à-dire datant des années 1930 à la fin des années 1970, l’inventaire indique clairement qu’un échantillonnage a été effectué, c’est-à-dire qu’une partie seulement des documents, jugés les plus représentatifs, ont été conservés.
Feuilleter ces dossiers nous rappellent qu’en tout temps, des personnes ont fui, disparu sans laisser de trace, ou presque, ou ont été victimes de crimes. Ils nous montrent aussi comment s’effectuaient les recherches et le relevé d’informations à une époque où les moyens de communication étaient différents des nôtres, notamment en l’absence de procédés photographiques. La lecture de ces archives ne peut laisser indifférent. Elles sont troublantes. Elles donnent à voir des tranches de vie sur lesquelles on se pose forcément des questions. Dans les dossiers, il y a le signalement, la recherche mais pas la suite de l’histoire. Dans tous les cas, qu’est-il advenu après ? Nos dossiers ne le disent pas.
Parmi d’autres exemples, le cas de l’enfant découvert mort à Saint-Prest, dans l’Eure-et-Loir au printemps 1800 interpelle, non seulement parce qu’il s’agit du meurtre d’un jeune enfant mais aussi en raison du document en lui-même, assez représentatif des descriptions que l’on peut trouver. L’avis de la Préfecture du Loiret est envoyé à la Mairie d’Orléans, qui le publie le 29 floréal an 8, c’est-à-dire le 19 mai 1800. Voici ce qu’il indique :
Publié le 29 floréal an 8 [19 mai 1800] par les [commissaires] de police et [illisible] de tambour dans toute l’étendue de la commune
Ministère de la police générale de la République
Avis au public
Suivant le procès-verbal dressé par le [Commissaire] Collet, juge de paix du Canton rural de Chartres, officier de police judiciaire, du 30 Germinal an 8 [20 avril 1800], il est constaté qu’un enfant mâle et inconnu, âgé de 9 à 10 ans, a été trouvé assassiné et enterré avec ses vêtements dans un champ ensemencé en pois à peu de distance de la grande route de Paris, sur le territoire de la commune de St Prest. Cet enfant est de la taille d’un mètre 22 centimètres (3 pieds 8 à 9 pouces) mort environ vingt jours avant qu’il ait été trouvé, à en juger par la putréfaction de son corps, cheveux blonds sur châtains en queue, avec un ruban de fil noir ayant un mouchoir de soie et coton à rayer rouge, un autre mouchoir, en forme de cravatte autour du col, fond vert à rayes violettes, gillet court de grosse étoffe gris bleu, bouton et cuivre jaune mélangé, un autre petit gillet de toile orange fond lilas moucheté rouge et blanc, un pantalon de laine grise, bas bleus, un chausson de peau, chemise à usage d’homme de taille ordinaire marquée des lettres P.L., en fil de coton rouge, ladite chemise ayant des manches en amadis. Dans les poches dudit enfant s’est trouvé deux mauvais peignes enveloppés dans une feuille de papier qui servait à un enfant pour apprendre à écrire, ladite feuille de papier commençant par une ligne d’écriture de maître suivie de l’écriture de l’écolier, et terminée par ses mots Louis Mathurin Rosard.
Les personnes qui peuvent être intéressées à cet enfant s’adresseront audit [Commissaire] Collet, juge de paix, demeurant à Chartres, rue de la Pie, et d’après le signalement qui vient d’être donné et la représentation des habillemens dont il étoit vêtu, la reconnoissance pourra peut-être s’en faire.
Toutes personnes qui peuvent avoir un intérêt à communiquer sur le crime qui a été commis et sur ses auteurs, sont priées d’en faire part audit [Commissaire] Collet. Pour copie conforme le Ministre de la Police Générale signé Foucher. Pour copie. Le Secrétaire Général Provisoire de la Préfecture du Départ [Département] du Loiret. Bignon
Bien évidemment, on se demande immédiatement ce qu’il est arrivé au jeune garçon, qui l’a assassiné, pourquoi et dans quelles circonstances. S'agit-il ou non de Louis Mathurin Rosard, dont le nom est inscrit sur la feuille conservée dans la poche ? Des recherches dans les fonds d’Eure-et-Loir seraient nécessaires pour en savoir plus.
Mais, au-delà des premières questions liées au meurtre, et dans une perspective plus historique et détachée, on peut aussi noter que le document donne des renseignements sur la coiffure et la tenue vestimentaire d’un enfant de cette époque. Un spécialiste pourrait sans doute, à partir de cette description détaillée, indiquer si l’habillement ici décrit était représentatif d’une famille pauvre ou aisée, courante ou pas…
On s’interroge aussi forcément sur la diffusion de l’information. Le corps a été retrouvé le 20 avril 1800 à plus de 80 kilomètres d’Orléans. La Mairie d’Orléans diffuse l’avis à peine un mois plus tard. On se questionne alors sur la procédure, les délais, le périmètre de diffusion de l’annonce… informations qu’il faudrait sûrement rechercher dans les fonds de police en Archives départementales.
Pour mémoire, les signalements, recherches et demandes de renseignements sont consultables de tous, en salle de lecture des archives. N’hésitez pas à venir les consulter, ils ne manqueront pas de vous troubler et vous questionner.
Date de modification : 27 janvier 2018