Affiches & affichage
L'art d'informer la population
A l’origine, l’affiche, et par suite, le droit d’affichage, étaient une prérogative du pouvoir royal. Sous François Ier, ainsi qu’en fait foi un édit du 13 novembre 1539, ce sont encore des avis manuscrits sur parchemins, en grosses lettres. L’affiche imprimée n’apparaît guère qu’à la fin du XVIe siècle ; le juge ou le premier magistrat de la ville – à Paris le prévôt – ayant, du reste, seuls, le droit de faire afficher.
Peu avant la Révolution de 1789, un grand nombre d'affiches de propagande populaire ont été collées sur les murs. Mais, c’est au début du XIXe siècle que se développent réellement le droit d'affichage des particuliers et le recours à l’affichage administratif. L'affiche est ainsi restée longtemps le principal moyen d'informer la population des décisions administratives, en particulier des lois, à une époque où les médias étaient bien loin d'être ceux du XXe ou du XXIe siècle.
En effet, en droit français, nul n'est censé ignorer la loi, mais, pour cela encore faut-il que celle-ci soit publiée. Les lois du 5 novembre 1789 et du 2 novembre 1791 obligent à la transcription des lois sur les registres des tribunaux, corps administratifs et municipalités, à la lecture publique, à la publication et à l'affichage sans délai à partir du moment où le texte de loi est parvenu à l'autorité locale. Les affiches ont donc pour premier objectif de faire connaître la loi aux citoyens.
Rappelons qu'au début du XIXe siècle, de nombreux Français ne savent pas lire. L'affichage des textes est intimement lié au fait qu'il puisse faire l'objet d'une lecture publique, phénomène qui s'est atténué avec l'alphabétisation croissante et qui nous semble bien étonnant de nos jours. En outre, certaines affiches sont très denses et il faut vraiment prendre le temps de s'arrêter pour les lire, pour en prendre connaissance, voire en comprendre les enjeux quand il s'agit de textes réglementaires.
Par extension, l'affiche administrative sert rapidement à faire connaître les décisions locales, comme les arrêtés municipaux, ou encore l'organisation des manifestations publiques. A la lecture de ces documents, c'est l'éventail des pouvoirs de police du maire qui s'offre à nous : réglementation en matière d'urbanisme, sûreté et santé publique, encadrement des rassemblements, organisation des fêtes publiques ou encore prérogative en matière d'éducation et d'organisation des élections. La lecture des textes nous montre l'évolution des préoccupations de la société et de l'administration. Avec le recul, certains thèmes semblent insolites, comme la réglementation sur les aiguilles des coiffes des femmes ! D'autres illustrent la nécessité de faire passer rapidement l'information au plus grand nombre comme en temps de guerre ou de crise sanitaire.
L'affichage est un enjeu politique puisqu'il permet de diffuser l'information officielle, d'assoir l'autorité des régimes qui se succèdent. De ce fait, c'est un domaine réglementé. La loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 rappelle dans son article 15 que le maire désigne par arrêtés les lieux réservés à l'affichage administratif. Ces affiches sont exclusivement sur papier blanc. Des amendes sont prévues en cas de dégradations. L'affichage des particuliers est aussi très encadré tout comme la profession d'imprimeur, qui fait l'objet d'une autorisation administrative et d'un suivi.
Comme tous les services d'archives, les Archives d’Orléans conservent énormément d'affiches dont il est difficile d'estimer la quantité et l'exhaustivité. Ces affiches émanent de l'autorité municipale mais aussi de l'autorité centrale, du département voire d'autres localités. Beaucoup sont pliées et conservées dans les dossiers de l'affaire qu'elle traite avec les pièces administratives qui la contextualisent. A Orléans, toute une série d'affiches pliées est aussi conservée en série D, sous-série 3D "Administration de la commune". Ces affiches font double emploi ou non avec celles conservées dans les dossiers des différentes séries du cadre de classement.
Richesse inexplorée à ce jour, car méconnue, il a été décidé d'inventorier à la pièce chaque affiche conservée en série D afin d'en faire un corpus publiable et, nous l'espérons étudiable. Ces affiches sont restaurées, mises à plat et numérisées. Nous leur consacrons désormais une série cotée 15Fi "Affiches administratives". Plus de 2 200 affiches sont déjà listées. Cette collection débute en 1790 et se poursuit jusqu'au milieu des années 1950. Les plus anciennes nous renseignent sur une période où nos archives sont très lacunaires du fait des destructions imputables à la guerre.
Les champs de recherche offerts sont multiples : l'étude de la réglementation et de la diffusion de l'information, la nature et la forme des informations dispensées, la typographie, les imprimeurs, l'histoire locale en général. Elles révèlent, à leur manière, le quotidien de nos ancêtres.
Date de modification : 1 novembre 2018