Soutenir les victimes de la guerre
Les manifestations de soutien aux victimes de guerre sont diverses et fréquentes. La lecture des archives donne le sentiment que la moindre occasion est saisie pour lever des fonds. L’Etat, la Mairie, les œuvres d’aide aux victimes de guerre, les formations sanitaires présentes à Orléans ou bien encore les directeurs de salles de spectacles en sont à l’initiative. Les quêtes sont à destination des soldats au front, des blessés et prisonniers mais aussi des populations des pays et départements envahis, des familles de poilus et en particulier, des orphelins
Le sentiment de patriotisme et l’esprit de sacrifice sont souvent exacerbés. Le courage du soldat est mis en avant. Lors de la Journée du 75, les Orléanais peuvent acquérir un insigne représentant le célèbre canon de 75. « Donnez, et il y aura de la joie dans les tranchées » annonce l’affiche ! L’objectif de la journée est d’envoyer aux soldats les objets du quotidien dont ils manquent tant. En février 1916, une exposition de trophées de guerre – c’est-à-dire d’armement pris à l’ennemi – constitue l’occasion de montrer à la population que l’armée obtient des victoires mais aussi de disposer des troncs dont les bénéfices seront reversés aux soldats.
Parfois, certaines manifestations peuvent paraître saugrenues telles que la fête offerte par les Sociétés sportives au profit des mutilés. Les épreuves humoristiques, telles que la course à la valise, côtoient des challenges sportifs et des démonstrations de gymnastique. Ce type de fête est sans doute un moyen de maintenir le lien entre les membres de ces sociétés, dont certains ne pourront plus exercer de sport après leur retour du front. Outre la levée des fonds, l’objet des manifestations de soutien aux victimes est aussi d’apporter un peu de joie et de célébrer la vie. Le poilu est représenté avec le sourire. Ainsi, le dernier couplé de la « Revue… E…verte » de l’Hôpital n°11 rappelle : « cette gaîté adoucit vos souffrances, vous fait toujours plus forts et plus unis ».
Pour lever des fonds, c’est la « bonne société » orléanaise qu’il faut attirer en employant des pratiques auxquelles elle est habituée, tels des tombolas ou des spectacles de bienfaisance. Les sociétés de soutien, notamment celles qui dirigent les hôpitaux temporaires ou auxiliaires de la ville, proposent des spectacles de qualité et assurent ainsi la continuité de la vie mondaine et culturelle d’une partie de la population orléanaise et de certains soldats. Sans étude approfondie, il est assez délicat d’avoir une vue générale de la programmation et la typologie exacte des œuvres jouées. Cependant, l’influence de la guerre est naturellement présente.
Ainsi, concerts, lectures de poésies et pièces de théâtre sont offerts comme en temps de paix. Néanmoins, les spectacles sont souvent introduits et conclus par les hymnes nationaux et des chants patriotiques : A l’Etendard, Hymne à Jeanne d’Arc ou le répertoire du nationaliste Paul Déroulède. On joue par ailleurs volontiers le répertoire de Charles Gounod et de Camille Saint-Saëns ainsi que du compositeur orléanais Edouard Mignan. Des saynètes de l’auteur satirique Georges Courteline et du chansonnier René Vilhianne doivent provoquer les sourires. Pour les blessés, on joue souvent La Fille du Régiment, opéra-comique de Donizetti ou encore Les Trouffions du comique troupier Polin. On puise également dans le répertoire d’Edmond Rostand. La pièce Poil de carotte, adaptée du roman de Jules Renard en 1900, est donnée au profit des orphelins de guerre. Les poésies sont lues par des actrices de la Comédie-Française et de l’Opéra-Comique.
L’image de l’infirmière est également privilégiée pour diffuser l’idée de réconfort et attirer la bienveillance des donateurs. Celle-ci est représentée sur de nombreux programmes à l’instar de celui de la soirée artistique au profit des blessés militaires des hôpitaux d’Orléans. Elle y apparaît tel un ange dans le ciel azuré d’Orléans, à proximité de la cathédrale et penchée sur le soldat blessé. Sur d’autres programmes, elle court à côté du soldat ou le porte dans ses bras. L’infirmière réconfortante n’est pas seulement évoquée sur les illustrations mais aussi dans poésies lues lors des spectacles.