A l’Est d’Orléans, au cœur du quartier Saint-Marc, il est une petite place agrémentée d’arbres, de parterres et de bancs. Elle porte le même nom que le quartier et l’église et forme un triangle, à la croisée des rues Saint-Marc, aux Ligneaux et de l’Ecole-Normale et sur lequel aboutit la venelle du Muguet. Pourtant, elle n’a pas toujours porté le nom de place Saint-Marc.

La Croix des Chafaux

Jusqu’en 1884, la place Saint-Marc était connue sous le nom de place de la Croix-des-Chaffauds. Au 18e siècle, les curés qui se sont succédé dans la paroisse de Saint-Marc mentionnent la Croix des Chafaux dans leurs registres paroissiaux. Ainsi, le curé Astérié indique le 6 septembre 1731 avoir béni « publiquement tous les bestiaux (…) le sixième du présent mois, le matin à la Croix-des-Chafaux et le soir à la Croix-de-la-Barrière (…) », les bêtes étant « attaqué d’une maladie contagieuse et inconnue ». Quelques années plus tard, le curé Carré précise dans la marge les noms des rues ou lieux où habitent les baptisés et les défunts. Entre 1783 et 1788, il a noté la mention Croix des Chafaux pour 15 baptêmes et sépultures. Le 26 juin 1785, il procède à la bénédiction de « la nouvelle croix des Chafaux, érigée par les soins de Philippe Béchard, marguillier en exercice, à la place de l’ancienne croix qui était sur le point de tomber en vétusté. (…) ». 

Peu de sources citent cette croix. Les cartes dressées sous l’Ancien Régime ne vont bien souvent pas au-delà des faubourgs de la ville. Parfois seule l’église Saint-Marc est alors tracée. Sur la section H du plan parcellaire et cadastral de la commune concernant les Vallées de Saint-Marc établi en 1823, elle est bien dessinée à la pointe séparant la rue aux Ligneaux de la rue Basse Saint-Marc (par la suite rue de la Fosse-au-Diable et actuelle rue Saint-Marc). Les annonces de vente ou location de maisons dans le secteur de l’église Saint-Marc passées dans le Journal du Loiret au long du 19e siècle indiquent la Croix-des-Chaffauds comme repère pour situer les biens immobiliers dans ce quartier très rural et bien éloigné du centre d’Orléans.

La Croix de l'Echafaud

Orthographié chafaux ou chaffauds selon les textes, ce mot désigne aussi bien un échafaudage, une estrade et un échafaud. Dans son ouvrage Quatre jours dans Orléans paru en 1845, le chanoine Emmanuel de Torquat présentant dans un des chapitres les quartiers à l’Est du centre-ville comme le Faubourg-Bourgogne et Saint Loup, cite la croix des Chafauds à la page 216 dans les termes suivants : « A l’est de l’église Saint-Marc, une croix dite des Chafauds s’élève sur une petite place où, dès le 12e siècle, la justice du chapitre de Saint-Aignan faisait pendre les criminels à des fourches patibulaires permanentes. ». Le lecteur peut en déduire aux dires de cet auteur que ce lieu des Chafauds évoque bien l’exposition et l’exécution des criminels.

Deux actes de vente de maisons conservés dans les Archives d’Orléans et datés respectivement de 1834 et 1854 mentionnent la Croix de l’Echafaud dans leurs descriptifs : « une petite maison située à Orléans, succursale Saint-Marc, hors ville, quartier de l’Eglise, au clos l’Evêque, près de la Croix de l’Echafaud, non numérotée (…) » (1834) et « une petite maison située à Orléans, succursale Saint-Marc, hors ville, quartier de l’Eglise, au clos l’Evêque, près de la Croix de l’Echafaud (…) » (1854).

Une appellation qui ne plaît guère aux habitants

A l’hiver 1884, dans une pétition adressée à la mairie d’Orléans au sujet de la place, outre des demandes au sujet des arbres qui l’ornent et d’installation de bancs, les habitants de Saint-Marc émettent le vœu de changer son nom en place Saint-Marc. Aussi, leur demande est examinée en conseil municipal le 27 mars 1884. L’adjoint M. Venot souligne que « le nom actuel, corrompu par l’usage, ne rappelant que de tristes souvenirs. » ; en marge est noté : « Voir à ce sujet l’ouvrage de M. E. de Torquat intitulé « Quatre jours à Orléans » page 216 ». Le conseil municipal accède bien volontiers à leur souhait et la nouvelle appellation est adoptée immédiatement.

Malgré tout, les Orléanais ont longtemps conservé son ancien nom tant à l’oral qu’à l’écrit, l’appelant place de la Croix de l’Echafaud voire même place de l’Echafaud. La tradition est la plus forte ! Dressé en 1934, le plan d’Orléans dit plan Moreau la désigne encore sous ce terme, cinquante ans après son changement de dénomination !

La croix de l'Echafaud vandalisée !

Sur le plan de la ville d’Orléans dressé par la Direction des Travaux municipaux en 1900 et rectifié vers les années 1920, concernant cette portion de ce quartier, il est dessiné une croix entourée de six arbres sur la place qui n’est pas dénommée.

A l’automne 1936, le paisible quartier Saint-Marc est frappé par un fait divers. La croix de l’Echafaud a été enlevée dans la nuit du 15 novembre comme le relate le Journal du Loiret, conservé par la Médiathèque d'Orléans. Elle est retrouvée, mutilée, quelques jours plus tard dans un égout du quartier sans que la police ne découvre les auteurs de ce méfait. Propriété de la Ville, elle est remise en place pour veiller sur ce carrefour. Le 1er décembre suivant, les « briseurs de croix » comme le Journal du Loiret les surnomme, récidivent. Le 3 décembre, elle est retrouvée très endommagée dans la Loire, à la hauteur du Cabinet vert. Personne ne saura jamais qui a enlevé et mutilé la croix de l’Echafaud. Elle a été déposée dans la cour des services de la Sûreté à l’Hôtel de Ville. Il semblerait qu’elle n’a jamais été restaurée, ni rétablie sur son lieu d’origine.

Une placette vedroyante avec des arbres et des bancs

En février 1884, les riverains de la place des Chaffauds remercient la municipalité de la construction d’un puisard qui évite les eaux croupissantes des fossés et demandent dans une pétition l’abattage des sept arbres qui la bordent soit « 6 ormes vigoureux et 1 acacia » en raison des inconvénients qu’ils génèrent. Cette question est abordée lors du conseil municipal du 27 mars 1884. Après discussion, il est décidé de procéder aussi souvent que besoin à leur élagage et échenillage. Seul l’acacia sera abattu, ce qui permettra de réaliser une chaussée côté sud, vers la rue aux Ligneaux et la venelle du Moulin-à-Thoret, appelée à disparaître pour créer une nouvelle voie de liaison vers le Faubourg-Bourgogne : la future rue de l’Ecole-Normale. Par ailleurs, les riverains souhaitent également l’installation de deux bancs de repos sur la place. Ce qui est leur est accordé.

Près de soixante-dix ans plus tard, à la fin de l’année 1953, un nouvel aménagement est envisagé à la demande de deux conseillers municipaux, le Docteur Grosbois et Camille Lemesle, qui habitent le quartier. Ils souhaitent l’installation de plusieurs bancs avec le projet de plantation d’acacias boules pour agrémenter la placette. Par ailleurs, aucune croix n’est mentionnée. En 1991, les arbres, les bancs et les parterres sont toujours en place. A la fin de l’année 1993, la réalisation de travaux de sécurité routière permettent de l’agrandir légèrement et de l’embellir en renouvelant les parterres de fleurs et d’arbustes, sans toucher aux arbres.