Circulez ! Y'a rien à voir ! 1800-1950 : 150 ans de police municipale à Orléans
L'histoire d'un service à la population
Circulez ! Y'a rien à voir !
1800-1950 : 150 ans de police municipale à Orléans
La tutelle de l'Etat
Née sous l’Ancien Régime, la police urbaine s’organise durablement à partir de la Révolution française. Ainsi, la loi du 14 décembre 1789 confie le pouvoir de police aux maires. A cette époque, l’exercice repose sur la garde nationale, composée uniquement de citoyens.
Par la suite, la police municipale se professionnalise et se développe progressivement sous la tutelle de l’État. Ainsi, la création du Ministère de police a pour but d’harmoniser les pratiques des différentes polices municipales sur le territoire français. L’État fixe le nombre de commissaires de police proportionnellement au nombre d’habitants des villes et les nomme directement avec avis éventuel du maire. Ce dernier, sous la tutelle du préfet, est chargé de l’organisation territoriale, de l’attribution des missions, des locaux et moyens matériels, de la rémunération et du recrutement des agents communaux qui secondent les commissaires. C’est au maire que les forces de police rendent compte journellement de leurs activités via des rapports écrits.
A l'instar de certaines grandes villes, où la police dépend directement du préfet et non du maire, l'État va tenter dès la fin de la Première Gurre mondiale de nationaliser les polices municipales. Mais Orléans, qui souhaite garder les prérogatives de police, ne sera pas du nombre. Durant la Seconde Guerre mondiale, la police d'État est systématiquement instituée dans les communes de plus de 10 000 habitants. On parle alors de la police nationale. Les agents sont seulmenet mis à disposition du maire pour assurer l'ordre sur le territoire de la commune. C'est la fin - temporaire- de la police municipale d'Orléans.
En effet, en 1947, un embryon de police municipale est recréé dans la ville avec le recrutement de trois gardes champêtres chargés de ce qui relève de la police rurale comme, par exemple, la surveillance des récoltes ou des animaux domestiques. A partir des années 1960, l'État autorise les communes à reprendre à leur compte certaines missions de police administrative et judiciaire. A Orléans, il s'agit notamment de suivi des procès-verbaux et de la surveillance de la circulation et du stationnement.
Organisation territoriale et effectifs
Avant 1800, Orléans compte huit commissariats dont l’un a une fonction d’inspection générale. C’est au regard de ce qu’autorise l’État mais aussi de ses préoccupations contemporaines, comme, par exemple, en 1843, l’arrivée du chemin de fer et la crainte de la contamination criminelle parisienne, que la Ville d’Orléans va faire évoluer le nombre de ses arrondissements.
Ainsi, entre 1800 et 1920, la ville va successivement connaître des réductions et des augmentations pour finalement se stabiliser à quatre commissariats d’arrondissement et un commissariat central.
Dès le milieu du 19e siècle, la sectorisation des missions est réclamée. Elle semble être mise en place après l’adoption du règlement municipal de police de 1867. Parallèlement, face à la quantité de tâches à effectuer et à l’accroissement continu de la population, l’effectif de la police municipale s’étoffe. En 1843, elle se compose de seize agents, commissaires compris et sans compter quelques agents recrutés temporairement pour la surveillance des lieux publics. A la veille de son étatisation en 1941, la police municipale comprend cent cinq agents.
En parallèle, les locaux sont progressivement améliorés par la municipalité. Entre autres exemples, en 1916, une chambre de sûreté pour les femmes est aménagée dans le commissariat central, implanté depuis 1814 à l’hôtel Groslot. Jusque-là, l’incarcération avait lieu dans un local insalubre « situé dans une cave profonde ». Les commissariats de quartier sont aussi installés au départ dans des lieux inadaptés. C’est le cas, en 1900, du commissariat du secteur sud implanté dans l’une des deux tourelles du pont George V, où il n’y a pas de « violons » (cellules de prison). La Ville est alors amenée à chercher des bâtiments plus adéquats pour un service dont le périmètre des missions s’élargit.
Recrutement et carrière
A ce jour, il n’y a pas d’étude historique sur la police municipale d’Orléans et sa composition. Comme toute profession nouvelle, il semble qu’au 19e siècle et au début du 20e siècle le recrutement soit assez ouvert. Hormis pour les gardes champêtres dont on se rend compte qu’il s’agit souvent d’anciens cantonniers à qui la Ville a souhaité confier des pouvoirs de police rurale, et notamment la possibilité de verbaliser les infractions, il ne semble pas y avoir un profil professionnel initial type.
Le recrutement, géré par la municipalité, prend néanmoins en compte les aptitudes physiques des candidats. Comme l’attestent les dossiers de personnel conservés par les Archives municipales, les candidats passent au moins l’épreuve d’une dictée, d’une composition et d’exercices simples de mathématiques. Surtout, ils font l’objet d’une enquête de bonne vie et de bonnes mœurs. La municipalité – via sa police municipale – interroge aux besoins les anciens employeurs ou les maires des villes dans lesquelles le postulant a séjourné. En outre, les convictions politiques du futur policier municipal sont aussi vérifiées. Durant toute sa carrière, le policier municipal, qu’il soit commissaire ou simple agent, est l’objet régulier de ce type d’investigations qui peut servir ou desservir une éventuelle promotion. Preuve de la structuration de la profession, dès les années 1930 au moins, le recrutement passe éventuellement par la voie de concours auxquels s’ajoutent certains critères de sélection notamment d’âges minimum et maximum.
La municipalité prend aussi en charge la formation des agents. Des livrets regroupant les consignes à destination des policiers à poste fixe et chargés de la circulation des véhicules existent au moins dans les années 1920. La Ville organise aussi très tôt des enseignements d’auto-défense et d’exercices physiques.
Par ailleurs, elle délivre des conseils aux jeunes recrues où les qualités tels que le courage, l’exemplarité ou encore la politesse sont particulièrement mises en avant. Au regard des missions impopulaires à effectuer, l’objectif est de créer un service irréprochable et de combattre les a priori plus ou moins exacts de la population. Pourtant l’image négative, encouragée par les chansonniers satiriques qui véhiculent nombres de clichés, se forge et s’inscrit durablement dans l’esprit populaire.
Comme l’atteste la plaque commémorative située à l’entrée de l’hôtel Groslot, parmi les services municipaux, la police est particulièrement touchée par les deux guerres et notamment la première. Les documents d’archives, et en particulier les délibérations du Conseil municipal, permettent de retracer le destin des agents morts ou blessés durant les combats et la vie de la police en l’absence et au retour de ses agents titulaires.
Quelques photos de policiers muncipaux en uniforme :
Des missions multiples et variées
Les lois du 14 décembre 1789 et du 5 avril 1884 indiquent que la municipalité doit assurer l’ordre, la sûreté, la salubrité et la propreté sur son territoire et pour ses habitants. Il s’agit, pour la police municipale, de tâches multiples, qui évoluent dans le temps et selon les questions de société du moment.
Ainsi, au 19e siècle, la police municipale a des activités méconnues voire oubliées aujourd’hui. Les commissaires de police d’arrondissements constatent, par exemple, chaque naissance et décès au domicile des Orléanais. Cette prérogative disparaît définitivement en 1812 à la faveur de l’unique déclaration en mairie de l’usager concerné accompagné de témoins.
Au quotidien, le travail consiste à établir des comptes rendus journaliers au maire, à viser les passeports, à enregistrer les membres des professions sous surveillance comme les colporteurs, à distribuer les livrets ouvriers et les bulletins de domesticité, à enregistrer les arrivées à Orléans, à garder les objets perdus, à inscrire et surveiller l’état de santé des « filles publiques », à donner les permissions d’occupation de la voirie, à contrôler les maisons de détention et les marchés, à veiller au nettoiement des rues qui est à la charge des habitants. En outre, dans le cadre de la surveillance des spectacles, les commissaires de quartier ont une loge réservée lors des représentations. Ils sont obligés d’y assister en tenue pour être identifiables facilement. Les directeurs de salle doivent, quant à eux, fournir leurs programmes.
La partie la plus visible des activités est la surveillance de la voie publique. La brigade cycliste, créée au début des années 1900, marque ainsi les esprits. Les agents cyclistes sont surnommés les « hirondelles » à cause des pans de leur pèlerine noire qui battent sur leurs côtés lorsqu’ils avancent. Avec le développement de la circulation automobile dans les années 1930, c’est l’image de l’agent muni de son bâton blanc, chargé de la circulation et du stationnement, qui prend le pas dans l’inconscient collectif.
Rapport sur les journées du 15 et 16 juin 1940 :
Pourtant, comme le montre les rapports, les activités sont nombreuses et dépassent le cadre de l’intervention sur la voie publique. Le policier est en effet aussi celui vers lequel l’habitant se tourne en cas de danger imminent.
Image et représentations : une fonction facilement identifiable
Il semble que très tôt les agents soient revêtus de signes distinctifs. En 1816, un arrêté municipal oblige les appariteurs de police à porter un brassard en soie bleue. Représentant de l’autorité publique locale, le policier doit pouvoir être facilement identifié de ses concitoyens. Le policier en uniforme doit, par sa présence, à la fois dissuader les malfrats et être facilement repérable de l’usager qui aurait besoin de secours. Tout au contraire, le policier qui surveille, doit se montrer discret. En 1906, le projet de création d’une brigade cycliste nocturne stipule que les rondes devront être faites sans « lanternes » ni « grelots » afin de ne pas être vue ni entendue. En 1939, un arrêté crée un insigne métallique distinctif à porter sous le manteau à l’usage des policiers municipaux en civil.
De la fin du 19e siècle aux années 1950, les uniformes sont directement confectionnés par des maîtres-tailleurs orléanais. En 1899, la tenue comprend encore un porte sabre au niveau du ceinturon. Pourtant, la police municipale est dotée depuis 1890 de quinze revolvers, chiffre qui passera à quarante-trois pour soixante-et-un agents en 1912. Au début du 20e siècle, les policiers sont pourvus d’un seul « manteau-capote » en cuir utilisé sept à huit mois de l’année et renouvelé tous les trois ans uniquement. Les pèlerines, sorte de capes munies de capuche, qui servent par temps de pluie ou grand froid, équipent la brigade cycliste. Les pantalons, particulièrement chauds, servent toute l’année et doivent prévenir des rigueurs de l’hiver. Dès 1905, les agents réclament une tenue spécifique à la saison d’été. Ils seront entendus à compter de 1916.
Le bâton blanc et le sifflet sont instaurés dans la Seine par le préfet Louis Lépine en 1897. Ce bâton et ce sifflet, dont il n’a pas été possible de dire à partir de quelle date ils équipent les agents orléanais, deviennent très vite indissociables de l’image du policier. C’est l’objet indispensable pour régler la circulation à une époque où la signalisation tricolore n’existe pas. Plus que le revolver, le bâton est alors associé à l’image de brutalité avérée ou non du policier municipal.