Blancs de pierre

Les grandes percées d’Orléans et les quartiers issus de la Reconstruction donnent à Orléans des tons blancs et minéraux ravivés par les ravalements menés depuis les années 2000. Selon les époques, ces blancs de pierre sont en effet plus ou moins sales et de fait, plus ou moins ternes pour le passant qui les regarde et n’en voit plus les détails. Fraîchement construits ou ravalés, les édifices jugés parfois trop blancs ou jaunes au regard de ceux qui les entourent peuvent choqués l’œil du contemporain.

La percée de le Rue Royale, à la fin du XVIIIe siècle, celle de la rue Jeanne-d’Arc au début du XIXe siècle, ainsi que celle de la rue de la République, à la fin du XIXe siècle,  avaient pour objectif de faire entrer la lumière et d’ouvrir la perspective sur certains monuments. La percée de ces rues était régie par des règlements où l’ordonnancement et l’uniformité des façades en pierre primaient. L’harmonie est alors issue de l’architecture et non pas d’un quelconque recours aux couleurs.

Les quartiers reconstruits après la Seconde Guerre mondiale ont ce même objectif de clarté et d’hygiène. Les voies y sont plus larges et les édifices plus blancs en contraste avec les parties anciennes de la ville jugées plus tortueuses et plus sombres. La Reconstruction est notamment l’occasion de redonner son lustre d’antan à la rue Royale. Les devantures de magasins, aux couleurs bigarrées, sont repoussées sous les arcades reconstruites. Ainsi, la rue Royale retrouve son uniformité architecturale et sa dominante pierre.

La pierre, notamment le calcaire de Beauce, est utilisée pour les bâtiments monumentaux, religieux, administratifs, militaires ainsi que certains hôtels particuliers. La couleur de la pierre varie en fonction de sa nature, de la lumière qui s’y projette dans la journée ou au fil des saisons. La pierre, sujette à la pollution comme tout autre matériau, devient grise et noircit au fil du temps. Elle peut au contraire être perçue comme très blanche ou jaune lorsqu’elle vient d’être taillée ou nettoyée.

 Il y a peu de témoignages relatifs à la perception des couleurs de la ville. En 1948, dans Orléans, Histoire en bref, l’Orléanais Louis Derenne montre malgré lui la façon dont les couleurs peuvent être perçues par des contemporains. Il évoque ainsi « les bâtiments blancs et rouges, carrés et nus des nouvelles casernes [qui] viennent gâter l’harmonie des gracieuses vieilles maisons qui font le charme de la cité ». Il note encore : « à la hauteur du transept de la cathédrale, nous voyons que prend forme puis se termine un gros pâté blanc : le nouvel Hôtel des Etats-Majors et service de la 5e Région militaire, assis sur les fondations de la Bibliothèque, récemment démolie…  Cela fait tache dans ce secteur : sans doute, cela n’importe-t-il que peu et l’aménagement de la cité est une belle chose ». Pour lui, à Orléans, « Pas de tons heurtés ; cette vieille ville si française se retrouve sans son même gris de toujours, et les faces jaunâtres des deux pavillons XVIIIe à l’entrée de la rue Royale, rompent un peu cette uniformité. De cette harmonie de lignes et de teintes n’émerge nulle part – o échevins d’Orléans, merci ! – le moindre gratte-ciel anonyme et sans histoire. »

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