1 325 heures de danse non-stop à Orléans !

Le marathon d'Orléans : un concours d'endurance venu des Etats-Unis

Les marathons de danse se développent aux Etats-Unis d'Amérique, dans les années 1920-1930 sous l'ère du swing. Les couples dansaient presque sans arrêt pendant des heures. Un marathon pouvait ainsi durer jusqu'à un, voire deux mois.

Les compétiteurs devaient rester en mouvement 45 minutes par heure, sous le regard des juges, tandis que les aiguilles d'une énorme horloge égrenaient le temps. L'un des deux partenaires pouvait s'appuyer sur l'autre pour récupérer et tenter de dormir, à condition que ses pieds continuent à bouger, voire glisser. De même, les couples mangeaient en gardant le rythme. Si les genoux touchaient le sol, le couple était éliminé.
Parfois, les danseurs s'attachaient pour ne pas se séparer dans un accès de fatigue ou d'endormissement. L'épuisement pouvait les conduire à un état de délire, voire de coma. Face à cette épreuve, l'état physique des marathoniens était un spectacle affligeant. Un service médical était donc présent.

Pendant cette période de crise, la promesse de repas assurés était l'une des principales incitations à concourir. Des attractions particulières avaient lieu pour maintenir l'intérêt du public, telles que des mariages de couples de danseurs. Une mise en scène rythmait les marathons, orchestrée par un maître de cérémonie qui haranguait la foule en demandant par exemple : " Combien de temps peuvent-ils tenir ?".

Les marathons, très controversés, attiraient cependant énormément de spectateurs. Il s'agissait d'une véritable industrie réglée par des organisateurs, réels bénéficiaires de ces manifestations. Chacun d'eux avait une écurie de danseurs professionnels disposant d'une grande capacité d'endurance. Ils prétendaient parfois être amateurs pour ne pas décourager les danseurs véritablement amateurs de la ville où le marathon se déroulait.

Très vite, le phénomène traversa l'Atlantique pour arriver en France.

21 novembre 1932-16 janvier 1933 : le Marathon de danse d'Orléans
A Orléans, un marathon de danse est organisé du lundi 21 novembre 1932 au lundi 16 janvier 1933 par Alain Huet, originaire de Bruxelles et Albert Louvois. Quelques semaines auparavant,  ils étaient tous deux à Rouen pour un événement du même type.

Dans un premier temps, le marathon se tient à l'Alhambra, 31, boulevard Rocheplatte. Mais, coup du sort, le 23 décembre, l'Alhambra ferme ses portes. Le répit est de courte durée pour les participants puisqu'ils déménagent immédiatement dans la salle Vasquez, située rue du Faubourg-Bannier.
Parmi les 22 couples concurrents, trois couples sont vainqueurs ex-æquo. Ils dansent durant 1 325 heures (soit 55 jours et 20 heures) avec un arrêt d'un quart d'heure par heure. Il s'agit de :

- Daniel Mlynarsky, (Pologne), portant le numéro 13 avec Lily Menschaert surnommée Totorine (Belgique). C'est seulement son deuxième marathon après celui de Rouen. Jusqu'en 1936, on le retrouve dans 9 marathons au moins dont celui de Monte-Carlo, qu'il remporte. Lili Menschaert, quant à elle, participera au moins à 14 marathons et sera régulièrement bien placée, ce qui la rendra très populaire. Elle arrêtera ce genre de compétitions en 1937.

- Laurinovic (Lettonie), portant le numéro 11, avec Paulette Ducrottet (Rouen). Il s'inscrit à son premier marathon à Orléans, puis en fera 2 autres, mais cessera rapidement la danse d'endurance.

- Le couple Bernard (Belgique), portant le numéro 10. Le marathon d'Orléans est également le deuxième de Monsieur Bernard, qui en fera au total 22, dont le dernier en 1953. Sa femme ne l'accompagnera qu'à trois marathons.

Le marathon de danse d'Orléans rencontre un franc succès puisque 650 personnes assistent à la finale. Ses retombées économiques profitent aux organisateurs. La Ville prélève une partie des bénéfices pour le droit des pauvres. A ce jour, aucun document n'évoque une quelconque opposition de la part des Orléanais, contrairement à d'autres villes.
Par chance, deux cartes-photos nous permettent de poser un visage sur certains des compétiteurs :

La première représente : Madame Bernard (en manteau) et Monsieur Bernard (en arrière la main posée sur son épaule) (Belgique), Lily Menschaert dite Totorine (Belgique), Daniel Mlynarsky portant le numéro 13 (Pologne), Paulette Ducrottet (Rouen) et Monsieur Laurinovic (Lettonie), une danseuse, Paul Rostaing s'appuyant sur sa partenaire Mademoiselle Lequerré (en pantoufles), Melle Garcia et son partenaire Louis (ou parfois Jacky) Legondh (Angleterre, ou Etats-Unis d'Amérique, parfois Afrique du Sud en fonction de ses inscriptions aux marathons).

La deuxième est le portrait d'une danseuse prénommée Colette.

Les Archives municipales tiennent à remercier tout particulièrement Josseline et Serge Bertin qui nous ont fait découvrir cet aspect méconnu de l'histoire d'Orléans et qui ont fourni de  précieux éléments pour la rédaction de cet article.

Si vous souhaitez retrouver l'ambiance de l'époque, nous vous invitons à découvrir ou re-découvrir le film de Sydney Pollack, On achève bien les chevaux, sorti sur les écrans en 1969, tiré du roman d'Horace Mc Coy, publié en 1935.

 

Marathon d'Orléans 32-33 : groupe de danseurs
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