Y'a d'la joie !
L'actualité orléanaise dépeinte en chanson
La bibliothèque des Archives cache en son sein 25 petits fascicules regroupés sous la typologie de "paroles de revue musicale". Ces documents couvrent la période 1900-1960, avec néanmoins des années plus ou moins lacunaires dans cet intervalle.
L'objet de ces documents est de regrouper les textes des chansons interprétées à l'occasion de différents spectacles donnés à Orléans. Plus qu'un simple programme, ils permettent aux spectateurs de suivre plus facilement le divertissement qui leur est proposé et surtout de prendre connaissance des paroles, pour le coup, très originales et inédites.
En effet, dès la couverture, le ton est donné : le spectacle sera humoristique, caustique, sarcastique, satirique ! La première page est généralement illustrée d'une caricature, dont l'auteur est plus ou moins identifiable. Pour les documents datant des années 1950, par exemple, le caricaturiste est l'Orléanais Robert Sire, qui officie alors comme dessinateur dans La République du Centre. L'illustration n'est pas seule à annoncer la couleur ! Les titres de spectacle sont particulièrement piquants, en forme de calembour ou de jeux de mots. On retrouve ainsi Orléans, tout le monde décent et Ira qui rit en 1913, A la Saison des crises en 1933 ou encore Orléans bâtit... fol en 1949, en pleine reconstruction de la ville.
Ces divertissements ont pour but de commenter l'actualité orléanaise du moment en la tournant en dérision. Pour les contemporains, les allusions et les calembours allaient sûrement de soi. De nos jours, les sous-entendus sont plus ou moins faciles à interpréter. Pour comprendre les propos ou toute la finesse de la satire, il faut avoir une bonne connaissance de l'histoire de la ville. Pour les titres, par exemple, on peut imaginer qu'en 1952, Orléans... faits d'hiver est un jeu de mot sur le nom du maire d'alors René Dhiver et qu'en 1956, Orléans c'est le gel est aussi, et entre autres, une allusion au nom du maire qui est alors Pierre Ségelle. La plupart des textes porte sur les aménagements de la ville, notamment la gare, les tramways, les rues et leur entretien, la reconstruction, la poste... Certaines paroles font échos à une actualité de circonstances comme la Première Guerre mondiale, le marché noir ou encore l'ambiance d'après-guerre à la fin des années 1940. En ayant les éléments pour décrypter les messages, la lecture des paroles devient très amusante. Elle révèle un certain état d'esprit, revendiqué comme étant l'esprit guêpin, c'est-à-dire l'esprit piquant des Orléanais qui mêle sacarsme et humour.
Evidemment, ces spectacles semblent obéir à des codes. Ainsi, dans toutes les revues, on retrouve une batterie courante de personnages comme la "commère", le "compère", le "policier" ou "l'agent municipal", le conseil municipal ou encore des personnages portant des noms d'emprunt censés incarner monsieur et madame tout le monde. On ne sait pas grand-chose des décors. Toutefois, on repère parfois le nom de Gustave Hu, peintre-décorateur connu sur la place d'Orléans dans les années 1920.
Au-delà des textes, des titres et des illustrations, toute une recherche serait envisageable sur les airs musicaux joués et sur lesquels sont posées les paroles. Sauf à être spécialiste, peu d'airs annoncés dans les programmes évoquent encore quelque chose aujourd'hui. Toutefois, quand on connaît l'air de la musique et qu'on l'associe aux paroles, le message peut devenir plus que cocasse. C'est le cas notamment avec le texte "La Gare d'Orléans", joué sur l'air "Le Roi Dagobert" où l'auteur raille le fait qu'on change une nouvelle fois l'orientation du bâtiment.
Une recherche serait également à mener sur les auteurs des textes, joyeux drilles qui manient les mots avec sens, humour et à propos. Ainsi, qui était Paul d'Orléans qualifié, dans un programme de la Société littéraire et sportive de la Société de Saint-Joseph, d'"inimitable auteur" aux "couplets si spirituellement troussés" ? Est-ce un pseudonyme que cacherait une ou plusieurs personnes ? Qui sont Abel Vibert ou encore René Vilhianne ? Comment en savoir plus sur l'oeuvre de Roger Lemesle, rédacteur en chef de La République du Centre et son comparse Jacques Garnier, auteur de plusieurs livres sur le cirque ?
Si vous en savez plus, n'hésitez pas à nous contacter pour partager vos connaissances ! Si vous détenez des programmes qui peuvent compléter nos collections et que vous souhaitez vous en désaisir ou simplement nous les faire connaître, contactez-nous également.
Si vous souhaitez découvrir ces documents, ils sont librement communicables en salle de lecture des archives.
« Couplet final » sur l’air de Hello Paris !
Si nous avons raillé par des traits satiriques
Nos ennuis quotidiens,
Si nous avons blagué ce que chacun critique
Mais bien moins qu’il convient,
C’est que nous sommes des Guêpins, de vrais Guêpins.
A quoi sert de gémir sans cesse
Sur notre commune détresse ?
Mieux vaut en rire c’est certain,
Moins méchants qu’anodins,
Nos refrains
Traduisent l’humour guêpin.
Etre taquin, ça c’est guêpin,
Bousculer d’un air gamin
Le pot de fleurs du voisin,
Un peu, pas trop, ça c’est guêpin
S’payer la têt’ des ballots
En leur montant des bateaux,
Un peu, pas trop, ça c’est guêpin,
Trouver un surnom piquant,
Mettre en boîte en ricanant
Et fair’ marcher les copains
Avec entrain
Un peu, pas trop, ça c’est guêpin !
Extrait de Ah ! La drôle d'époque, texte de Paul d'Orléans, 1946.
Date de modification : 27 janvier 2018