En 1877 est construit un kiosque à musiques militaires en pierre et en fonte boulevard Alexandre-Martin. Élément emblématique du mobilier urbain européen du 19e siècle, il sera dégradé par des éclats d'obus durant la Seconde Guerre mondiale, puis détruit par la municipalité en 1959.
Bénéficiant d’un contexte financier favorable et du développement de l’activité liée à la musique militaire, le maire d’Orléans, Aignan Jacques Alexis Germon et les membres du conseil approuvent les plans d’élévation d’un kiosque à musique dressé par le directeur des travaux municipaux lors de la séance du conseil municipal du 27 mars 1877 .
Installé au centre du boulevard du Chemin-de-fer, qui sera renommé boulevard Alexandre-Martin, l’édicule s’érigera à quelques pas à l’est de la gare. Les boulevards, aussi surnommés « mails » par les Orléanais remplacent l’ancien mur d’enceinte de la ville et délimitent le pourtour du centre-ville d’ouest en est. Transformés progressivement en promenade arborée, les mails deviennent un lieu d’activité et de rassemblement aussi bien des classes aisées que populaires.
Il s’agit du premier édifice public de la ville qui bénéficie des nouvelles techniques de construction en fer et fonte ornementés. De forme octogonale, dont le toit est supporté par huit colonnes, il abrite un soubassement de brique et de pierre haut de deux mètres au-dessus du sol. Un escalier intérieur permet aux musiciens de monter sur la scène. La construction est à la fois « durable et élégante » comme le précise le maire selon les propos rapportés dans le Journal du Loiret du 30 mars 1877.
Un écrin pour la musique militaire
L’édification d’un kiosque à musique est concomitante au développement de l’activité militaire dans la ville, à l’avancée technologique des méthodes de construction et à la diffusion de la musique dans l’espace urbain.
Peu de casernes militaires et de garnisons stables sont installées à Orléans avant 1870. C’est en 1873 que la ville devient le siège du quartier général du 5e corps des armées et accueille en 1875 une école d’artillerie. Cette multiplication des infrastructures militaires contribue à développer et pérenniser la musique militaire dans la ville.
Musique et représentation
Avant 1914, l’édifice accueille tous les dimanches et une à deux fois par semaine les concerts de musique militaire interprétés par le 131ème régiment d’infanterie ou les élèves de l’école d’artillerie. Vêtus de leurs pantalons rouges, les musiciens jouent aussi bien Orphée aux Enfers d’Offenbach que l’ouverture de l’Opéra Mireille de Charles Gounod ou la valse italienne Tesoro mio d’Ernesto Becucci .
Il accueille aussi ponctuellement des orchestres et chorales civils. Le 13 octobre 1878 une foule assiste à une représentation public « au profit des pauvres ». Exécuté conjointement par la Société Chorale d’Orléans et la musique de l’Ecole d’artillerie, le morceau d’ouverture choisi est Les Diamants de la couronne d’Auber. 163 francs et 15 centimes seront versés au bureau de bienfaisance au profit des plus défavorisés.
Dans le courant du XXe siècle, L’Harmonie d’Orléans, société musicale qui effectue l’animation musicale d’une partie des évènements culturels, des cérémonies et des commémorations de la Ville, s’y produit régulièrement. C’était notamment le cas pour la fête du 14 juillet 1939.
Les représentations s’interrompent pendant les quatre années de guerre entre 1914 et 1918. Selon un journaliste nostalgique, la jeunesse post Première Guerre mondiale délaisse le kiosque et ses musiques militaires pour se tourner vers d’autres divertissements comme le jazz et le cinéma.
L’activité du kiosque s’interrompt de nouveau pendant toute la Seconde Guerre mondiale.
Occupation du sous-sol
Servant de lieu de stockage des sièges destinés au public ainsi que de tout autre objet utile et aux services municipaux, le soubassement est aussi occupé par M. Jullien, limonadier installé 28 rue Royale [1]. Il fait partie de la quarantaine de limonadiers installés à Orléans durant l’année 1878 selon le Journal du Loiret. Stockant une partie de son matériel dans le sous-sol du kiosque, il propose des rafraichissements au public durant les concerts. Dix ans plus tard en 1887 le conseil approuve l’autorisation de louer le sous-sol au cafetier soumettant la meilleure offre. Cependant, l’administration n’acceptera pas l’établissement d’une terrasse autour du kiosque en 1891 .
Les chaises louées au public sont exploitées par différents entrepreneurs. En 1878 c’est Blondin , entrepreneur du service des chaises, puis une convention est passée entre la mairie et M. Silly, avant la guerre jusqu’en 1920. Lui succède M. Ustin, probablement Maurice Ustin-Santerre entrepreneur de spectacle et fournisseur de décors orléanais.
La concession du kiosque est accordée à titre gratuit au Syndicat d’initiative de l’Orléanais le 8 septembre 1910 qui y installera son bureau de renseignement aux visiteurs étrangers [2].
Une mauvaise acoustique
Dès le 27 mai 1877 durant sa construction, le Journal du Loiret expose ses craintes quant à l’acoustique du kiosque, les musiciens étant placés au-dessus du public. Craintes avérées par une lettre du chef de musique de l’école d’artillerie au général commandant le 5e corps d’armée puis transmise à la Municipalité et lue lors du conseil municipal du 27 octobre 1903. Il y expose les modifications à apporter au kiosque pour en améliorer l’acoustique. Ces propositions restent sans réponse. Cette question ne se limite pas à la hauteur des musiciens, mais aussi au petit jardin érigé autour du kiosque, qui empêche les spectateurs de s’approcher. Ces deux questions sont de nouveau étudiées en 1911 puis en 1913 avec la demande de l’abaissement du kiosque et de la suppression du jardin. Les réponses montrent des clivages. Certains conseillers sont favorables au projet d’amélioration de l’acoustique, quand d’autres pointent la dangerosité de toucher à la structure du kiosque vieillissant. Certains ne souhaitent pas retirer le jardin qui trouve son esthétique au sein du boulevard, d’autres souhaiteraient pouvoir s’approcher.
Finalement, le kiosque est modifié suite à une lettre adressée au maire le 20 mai 1925 du directeur de l’Harmonie d’Orléans. Il demande la destruction du petit jardin et de l’escalier intérieur qui est « un véritable cauchemar » pour les 80 musiciens. Le conseil municipal adopte l’aménagement d’un escalier extérieur.
La fin du kiosque
Endommagé pendant les bombardements de 1944, la mairie d’Orléans obtient une indemnité de réparations auprès du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme. Celle-ci ne sera pas dépensée par l’Administration. Malgré quelques tentatives de concerts donnés par l’Harmonie d’Orléans en 1949, la scène ouverte se retrouve à l’abandon. La Municipalité de Montbard (Côte-d’Or) manifeste l’intention de l’acquérir en 1959, avant d’y renoncer, préférant un kiosque démontable.
Devenu vétuste et désuet, le kiosque est finalement démoli suite à une décision du conseil municipal dans le courant de l’année 1959.
En 1960, le maire Roger Secrétain obtient le transfert de l’indemnisation pour dommages de guerre d’une valeur de 1 215 nouveaux francs à la construction de la caserne de sapeurs-pompiers rue Eugène-Vignat et d’une grande cuisine au groupe scolaire de la rue Vielle-Levée.
Plusieurs projets non aboutis de nouveaux kiosques à musique ont été envisagés au cour du XXe siècle. L’un en 1927 dans le parc Louis-Pasteur et un autre aux abords de la cathédrale Sainte-Croix dans les années 1981-1982.
[1] Almanach du Loiret, 1877
[2] Constitué en 1909, le Syndicat a pour but de mettre en relief les curiosités artistiques, archéologiques et historiques d’Orléans et de sa région, d’attirer par sa publicité les touristes étrangers. […] Il donne également son concours aux divers groupements locaux en vue d’organiser des fêtes (cf. Almanach du Loiret, 1920, p 258.)