Orléans : d'une gare à l'autre
De l'embarcadère du milieu du 19e siècle à la gare des années 2000
Orléans : d'une gare à l'autre
La première gare
À l’aube de la révolution industrielle, la locomotive à vapeur voit le jour. Les premiers réseaux ferrés, construits par des compagnies privées, apparaissent dès les années 1820. Mais à cette époque, le chemin de fer relève plus du domaine de la curiosité que de la réalité économique. Progressivement, la rapidité et la réduction des coûts s’imposent face au transport fluvial. En 1838, le gouvernement propose la construction d’un réseau général. Le chemin de fer devient ainsi un des rouages de l’industrialisation et du développement des villes d’Europe.
Le terminus est matérialisé par ce qu’on appelle à l’époque, et par analogie avec les transports fluviaux, un embarcadère. Il est construit au nord de la ville, dans une zone rurale en bordure du mail. Sa sortie donne sur un chemin qui deviendra plus tard la rue de la Gare, rebaptisée ensuite avenue de Paris. La gare et les installations ferroviaires occupent douze hectares.
L’arrivée du chemin de fer est un jour de fête. Elle est présentée comme un immense événement qui promet un nouvel essor à l’agriculture, au commerce et à l’industrie. Le beffroi retentit, le cortège inaugural est salué par 21 coups de canon et la bénédiction de l’édifice par Monseigneur Fayet, évêque d’Orléans, est accompagnée d’une salve d’artillerie. Parallèlement, des divertissements sont proposés aux habitants et le soir, un feu d’artifice clôture la journée.
Environ cinquante ans plus tard, Émile Huet dira de l’embarcadère disparu qu’il avait été montré avec orgueil alors qu’il était pourtant petit et que sa partie basse était encombrée de poteaux de bois pour soutenir les charpentes (in Promenades pittoresques dans le Loiret, p. 277). En effet, en vingt ans, le développement du réseau et du recours au transport ferroviaire a rendu l’embarcadère obsolète. Déjà, la station d’Orléans subit la concurrence de celle des Aubrais.
Dès 1853, on parle de créer une gare de transit au lieu-dit Les Aubrais, sur la commune de Fleury-aux-Choux. Des protestations se font entendre mais le terrain y est moins cher. Surtout, il est situé hors du périmètre de l’octroi et échappe donc à l’impôt sur l’entrée des marchandises en ville.
Une pétition est adressée à l’Assemblée nationale afin de faire d’Orléans une gare de passage et non pas un simple terminus. À cette occasion, Abraham Fournier, architecte et voyer de la ville, élabore un projet dans lequel la gare serait agrandie, les voies emprunteraient les boulevards et gagneraient directement les lignes principales sans rebrousser chemin. Ce projet ne sera jamais concrétisé.
L’idée d’une gare unique demeurera un thème récurrent dans les préoccupations locales.
La gare en fer forgé
Entre 1876 et 1880, l’embarcadère, conçu pour une seule ligne, est remplacé par une gare deux fois plus large. Elle bénéficie de toutes les avancées architecturales de l’époque. Une charpente en fer et en fonte repose sur de la pierre de taille. La toiture en verre laisse passer la lumière mais aussi, grâce à des ouvertures, la vapeur dégagée par les locomotives. Les bureaux de l’administration, de vente des billets et le buffet ouvrent à l’ouest sur la rue de la Gare. Le pignon, agrémenté d’un jardinet, donne sur le mail. Le service des arrivées débouche à l’est, sur la rue Verte, devenue ensuite la rue Émile-Zola.
Rapidement, les contemporains demandent un accès direct qui relierait la gare, la place du Martroi et la Loire. En effet, les chariots sont obligés d’emprunter la rue Bannier, seul accès assez large. C’est ainsi qu’après l’étude de quatre tracés, la rue de la République est percée entre 1894 et 1902. Parallèlement, le projet d’une perspective allant de la Loire à la gare induit l’idée qu’il faut tourner son entrée et lui offrir une façade au sud, c’est-à-dire face à la nouvelle rue.
La Compagnie du P.O. modifie les installations intérieures en les plaçant au bout des voies. Neuf fenêtres du pignon sont transformées en portes. Un perron, une horloge et une marquise agrémentent l’ensemble. Sur les côtés, une place pour le stationnement des voitures est aménagée.
Pendant un temps, il est question d’établir un porche de 800 m2 et une façade monumentale couronnée de statues allégoriques imaginée par Victor Laloux, architecte du gouvernement et auteur de la gare d’Orsay. Mais le projet n’aboutit pas.
L’espace situé devant la gare est rapidement dénommé place de la Gare. En 1914, elle prend le nom d’Albert-Ier et un square est créé dans l’axe de la rue de la République. La fontaine, située au centre, reste à cet emplacement jusque dans les années 1980. Elle est installée aujourd’hui plus à l’est, sur le boulevard Alexandre-Martin.
Gare d'après guerre jusque dans les années 1960
En 1935, le plan d’extension, d’embellissement et d’aménagement de la ville, signé de l’urbaniste Alfred Agache, préconise la création d’une gare unique grâce à la fusion de la gare existante avec celle des Aubrais. L’urbanisation rend néanmoins ce projet difficile à réaliser puisqu’il nécessiterait de nombreuses expropriations et démolitions. A l’époque, malgré le remplacement de la vapeur par la traction électrique, il faut environ dix à quinze minutes pour se rendre aux Aubrais. La navette, qui relie les deux gares, est réputée incommode et inconfortable.
En 1940, le plan de reconstruction proposé par Jean Royer revient à nouveau sur la question de la gare unique. Les événements ne sont cependant pas favorables aux travaux. En 1944, la destruction de la gare des Aubrais et d’une partie des installations de celle d’Orléans donne l’opportunité de concrétiser ce projet. La question de la gare unique devient alors un des principaux enjeux de la reconstruction. Au départ, la Société Nationale des Chemins de fer Français qui a succédé à la Compagnie du P.O. en 1938, n’est pas d’accord avec l’urbaniste Jean Royer. Face à l’ampleur des reconstructions à prévoir au niveau national, il lui semble inutile de repenser la gare d’Orléans, peu touchée par les bombardements. Progressivement, la S.N.C.F. se laisse convaincre et en 1947, un projet est entériné par l’État.
Celui-ci prévoit non seulement la création d’une gare unique et de nouvelles voies ferrées au long du Grand cimetière mais aussi, grâce à l’espace dégagé, l’aménagement d’un quartier monumental. Centré sur une avenue prolongeant la rue de la République et aboutissant sur la façade de la nouvelle gare, ce quartier aurait constitué un vaste espace résidentiel à l’architecture d’après-guerre comprenant un grand stade entre les rues Émile-Zola et Eugène-Vignat. Malgré l’officialisation du projet, les débats perdurent. Les années passent, la gare des Aubrais est reconstruite et finalement, la gare unique ne voit pas jour.
En 1961, la S.N.C.F. obtient l’autorisation de construire une nouvelle gare à Orléans. L’ancien édifice disparaît au profit d’une gare en aluminium, béton et verre. Inaugurée en 1965, elle est conçue par l’architecte Jean-Baptiste Hourlier et se compose de deux bâtiments perpendiculaires. Le premier longe la rue Saint-Yves et accueille le buffet de la gare. Le second ouvre sur la place Albert-Ier. Un étage est réservé aux bureaux. Au rez-de-chaussée, les arrivées se font à l’ouest et les départs à l’est. À l’arrière, l’architecture est plus minimaliste qu’au XIXe siècle : quatre quais sont abrités par des « abris parapluies ».
Lors de leur reconstruction, les installations ferroviaires sont décalées vers le nord-ouest. Ainsi, de vastes espaces sont dégagés. Le quartier fait l’objet d’une série d’aménagements supervisés par l’urbaniste Léon Bazin. Plusieurs immeubles sont construits avenue de Münster et rue Émile-Zola. Parallèlement, alors que le stationnement des véhicules est devenu un enjeu, des parkings sont aménagés pour les voyageurs à l’arrière et face à la gare. Ce dernier est rapidement trop exigu. Les usagers utilisent en plus le terre-plein laissé à l’abandon à l’est.
La place Albert-Ier devient un croisement inévitable pour l’utilisateur des transports en commun. Le réseau des bus ou encore la station des taxis côtoient la halte routière qui dessert les villes environnantes.
De la gare des années 1980 jusqu'à la nouvelle gare des années 2000
Au début des années 1980, deux hectares de terrains restent à aménager. En 1984, la société Espace Expansion Promotion se voit confier le chantier de construction d’un vaste ensemble comprenant des parkings, des bureaux et des logements, un centre commercial avec cinémas, l’Office de tourisme, une halte routière et une extension du Muséum. L’objectif devient alors de renforcer l’axe allant de la place du Martroi au quartier gare. En 1987, le nom « Centre commercial Place d’Arc » est préféré à l’appellation « Centre commercial des Mails » ou encore « Centre commercial Aurelianis ». L’inauguration marquant la fin de l’opération a lieu le 26 avril 1988.
Le projet comprend aussi l’amélioration de la circulation et du pôle « transport ». Une trémie est creusée sous la place Albert-Ier et un plateau piétonnier fait la jonction entre le centre commercial et la rue de la République. La halte routière, sur le côté est de la rue Émile-Zola et à la place d’une partie de l’ancienne caserne Dunois, est reliée par une passerelle. Le centre bus est désormais souterrain. L’accès se fait directement par les rues avoisinantes mais aussi par un passage aménagé depuis l’intérieur du Centre commercial Place d’Arc. La façade de la gare construite dans les années 1960 ne change pas, mais se trouve cachée. Le hall, accessible depuis le centre commercial, est rénové. À l’étage, le bureau de réservation des billets accueille les voyageurs.
Dès 2000, il est envisagé de reconstruire la gare afin de la moderniser. Non seulement les voyageurs ne doivent plus buter sur le mur du centre commercial mais en plus, à une époque où la ligne de tramway est en construction, il faut faciliter le passage entre les différents modes de transport.
En 2003, les premiers coups de pioche sont donnés rue Saint-Yves. Progressivement, l’ancienne gare est détruite : le buffet en 2005 puis le hall des voyageurs en 2006.
Parallèlement, la reconstruction débute. Le projet s’organise en deux axes. Le hall des voyageurs, inauguré le 18 janvier 2008, s’ouvre sur l’avenue de Paris à l’ouest et, grâce à un cheminement sous le centre commercial, permet de rejoindre la place Albert-Ier, à l’est. Conçu par Jean-Marie Duthilleul, architecte de la S.N.C.F., il a la forme d’une double nef surmontée d’une verrière en forme de vague rappelant l’entrée sous verrière de la gare du Nord à Paris. Dans l’axe nord-sud, un passage souterrain permettra ultérieurement la liaison entre le train, le tramway et le réseau des bus.