A travers les mails : des remparts aux boulevards
Lieu de vie et de rencontres, (re)découvrez l'histoire des mails à Orléans.
A travers les mails : des remparts aux boulevards
Démolition de l'enceinte et premiers aménagements
La localisation d’espaces appelés « mails » est complexe pour une ville comme Orléans qui dispose de plusieurs lieux nommés ainsi, et qui changèrent d’appellation au fil des âges. Certains noms nous sont contemporains comme le Mail, actuel boulevard Alexandre-Martin, mais aussi d’autres espaces comme le mail Pothier. Il sera ici question des mails situés à l’emplacement du mur d’enceinte d’Orléans.
Cet espace couvre aujourd’hui d’Ouest en Est les boulevards Jean-Jaurès, de Verdun, Rocheplatte, Alexandre-Martin, Aristide-Briand, mais aussi le boulevard Saint-Euverte. L’origine du mot « mail » permet d’éclairer sa signification. Il s’agit d’une avenue plantée d’arbres qui était à l’origine le lieu où l’on pratiquait le jeu de « mail », ancêtre du golf ou du croquet, mais aussi un lieu de promenade fréquenté par la bourgeoisie.
Aux XVe et XVIe siècles, les troisième et quatrième phases d’agrandissement du mur d’enceinte d’Orléans marquent la fin de grands travaux à caractère défensif, englobant ainsi la vieille ville depuis les bords de Loire.
Très rapidement, l’enceinte s’avéra inutile, voire même contraignante pour la circulation en ville, et ne fut plus entretenue. Aussi, entre 1740 et 1848, les éléments des fortifications sont démantelés, puis nivelés pour faciliter la circulation dans la ville : on y aménage des boulevards intérieurs et extérieurs.
Ainsi, des réalignements de ces grands axes furent nécessaires et la mairie d’Orléans dut acheter certains bâtiments ou des parcelles à des particuliers pour obtenir des boulevards rectilignes.
Bâtiments appartenant à mesdemoiselles Chardonneret et madame Tétard. 1848. Plan.
Archives municipales d’Orléans, Dos.9.
Coupes du Grand Mail et du boulevard extérieur de la Porte Bannier à la Porte Saint-Vincent. 1848. Plan.
Archives municipales d’Orléans, 1Fi44.
Adjudication des travaux à faire pour la démolition des fondations de l’ancien mur de ville. 1849. Affiche.
Archives municipales d’Orléans, Dos.4.
Adjudication des travaux et fournitures à faire pour plantation du boulevard situé entre la Porte Bannier et la Porte Saint-Vincent. 1849. Affiche.
Archives municipales d’Orléans, Dos.4.
Les promenades plantées d’arbres de l’ancien Grand Mail (actuel boulevard Alexandre-Martin) et du Petit Mail (ancienne partie intra-muros de l’actuel boulevard Rocheplatte) deviennent un seul et même espace. Ce n’est qu’en 1872 que les squares Rocheplatte furent aménagés.Ces grands travaux se firent en plusieurs étapes et au fil des décennies se dessina la ceinture verte du centre-ville.
Les mails : lieu de promenade et de loisirs
En quelques décennies seulement, le visage de cette partie de la ville change radicalement et s’ouvre sur la ville neuve. Traditionnellement réservés à la bourgeoisie sous l’Ancien Régime, les mails deviennent une promenade publique que chacun peut fréquenter, aussi bien les classes aisées que les classes populaires.
Lors de la création des squares Rocheplatte, véritables jardins clos et fleuris, les mails furent plantés d’arbres remarquables. Dans les années 1920, les travaux d’embellissement amènent la municipalité à créer un jardin paysager comprenant plus de cinquante essences différentes, notamment un séquoia, des hêtres pourpres, un érable à sucre et un paulownia. Ces plantations avaient pour but de rendre la promenade agréable. Ces embellissements furent cependant coûteux pour la municipalité.
Ces grands espaces arborés devinrent des lieux de promenade prisés, de rassemblements en tous genres et de concerts. Par conséquent, la commune procéda à plusieurs aménagements comme l’installation de bancs et de lampadaires. En 1877, on y construisit un kiosque à musique (actuel boulevard Alexandre-Martin). Les Orléanais venaient y écouter des concerts, principalement de musique militaire. Endommagé pendant la seconde guerre mondiale, il fut détruit en 1959.
Kiosque pour musiques militaires, boulevard Alexandre-Martin. 1881. Plan.
Archives municipales d’Orléans, 1Fi1-63.
Kiosque pour musiques militaires, boulevard Alexandre-Martin. 1881. Plan (extrait).
Archives municipales d’Orléans, 1Fi1-63.
Quelques cartes postales du Mail et du kiosque à musique :
Orléans par temps de neige. Le boulevard Alexandre-Martin. (s.d.). Carte postale.
Archives municipales d’Orléans, 2Fi52.
Sur le boulevard. Le Kiosque de la Musique. (av.1903). Carte postale.
Archives municipales d’Orléans, 2Fi173.
Le mail. (ca.1905). Carte postale.
Archives municipales d’Orléans, 2Fi1258.
Le mail. (s.d.). Carte postale.
Archives municipales d’Orléans, 2Fi553.
Le Mail un jour de musique. (ca.1908). Carte postale.
Archives municipales d’Orléans, 2Fi174.
Les mails : lieu d'échanges, de foires et marchés
Certaines parties des mails sont également devenues le lieu de manifestations à caractère économique et commercial, grâce à leur position stratégique, excentrée du centre ville et proche des grands axes de transport comme la gare. Certaines de ces manifestations se distinguent : la foire du Mail, le marché-franc et l’exposition d’Orléans de 1905.
La foire du Mail, dite foire de juin, est antérieure à la destruction totale de l’enceinte : elle a été créée en l’An XI (1802-1803), et se tient sur le grand Mail entre les portes Bannier et Saint-Vincent. Elle s’étend aux autres boulevards dans les décennies suivantes. Au début, elle ne dure que 8 jours à compter du vingt-cinq prairial (14 juin), puis 15 jours dès 1812.
C’est d’abord un marché utilitaire, mais on y trouve également dès le début du XXe siècle des divertissements multiples comme des cirques, des spectacles ambulants, des ménageries, des manèges, etc. Déplacée dans les années 1970, cette foire se tient de nos jours au parc des expositions et est devenue la fête foraine.
Demandes d’emplacement pour spectacles et jeux. 1864. Extrait d’un tableau récapitulatif.
Archives municipales d’Orléans, 4F68.
Baraque foraine sur le mail durant la foire de juin. [1900]. Carte postale.
Archives municipales d’Orléans, 3Fi869.
Foire du mail. [av.1904]. Carte postale.
Archives municipales d’Orléans, 2Fi688.
Un marché-franc se tient dès 1872 à l’emplacement du marché aux bestiaux, boulevard des Princes (actuel boulevard Jean-Jaurès). Vers 1876, il est transféré sur le mail Saint-Vincent. Il a lieu le dernier samedi de chaque mois. Il dispose d’un statut particulier : les marchands sont dispensés de payer un droit de place et peuvent ainsi vendre plus librement leur bétail, d’où le nom de marché-franc.
À l’extrémité du boulevard des Princes en face de l’abattoir, se trouve également le marché de l’abattoir : c’est le marché régulier aux bestiaux. Certains jours de la semaine sont consacrés à la vente d’une espèce animale : le lundi est réservé aux veaux, le mercredi aux porcs, etc.
L’exposition d’Orléans de 1905 s’est tenue sur les mails, plus spécifiquement au Carré Saint-Vincent et sur une partie des mails du même nom. Elle fut consacrée aux beaux-arts, à l’enseignement, aux arts libéraux, à l’alimentation, à la mécanique et à l’agriculture. Cet événement est resté célèbre pour avoir reconstitué un « village noir », vitrine du colonialisme qui met en valeur les habitants de certains territoires français d’Afrique (Sénégal, Soudan et Congo) ainsi que leur culture.
Description des mails par un Orléanais. 1959. Extrait d’une correspondance.
Archives municipales d’Orléans, 5391.
Proposition d’aménagement des mails par un orléanais. 1959. Extrait d’une correspondance, croquis.
Archives municipales d’Orléans, 5391.
Les mails durant la seconde moitié du 20e siècle
En 1941, la municipalité fit construire des baraquements sur les mails, pour pallier la destruction d’immeubles lors des bombardements, où s’établirent les commerçants sinistrés. Après la seconde guerre mondiale, l’état dans lequel se trouve une partie des mails est loin d’avoir gardé sa popularité d’antan, comme en atteste le témoignage de certains Orléanais qui en font un lieu peu agréable.
Progressivement, le cadre des mails s’est modifié. Témoin de l’expansion urbaine d’Orléans, le monument de la Victoire, œuvre des frères Malfray en 1924, installé d’abord sur le boulevard de Verdun, fut notamment déplacé vers l’ouest de celui-ci en 1962. À la suite des aménagements du quartier de la gare, il fut déplacé à nouveau en 1987 sur le boulevard Alexandre-Martin.
Déplacement du monument de la Victoire vers l’ouest. [1962]. Photographie de la République du Centre.
Archives municipales d’Orléans, 3Fi2551.
Monument de la Victoire. [ca.1970-1975]. Photographie.
Archives municipales d’Orléans, 3Fi955.
Certains édifices sont établis sur le tracé de l’ancienne enceinte. C’est le cas du théâtre d’Orléans qui fut construit entre 1973 et 1975 à l’emplacement du Carré Saint-Vincent, sur l’espace réservé jadis au marché-franc et aux pavillons de l’exposition de 1905.
Construction du théâtre au Carré Saint-Vincent. [1974]. Photographie.
Archives municipales d’Orléans, 3Fi962.
Théâtre et centre d’arts contemporains au Carré Saint-Vincent. [1980]. Photographie de Guérin.
Archives municipales d’Orléans, 3Fi1344.
Vue aérienne des boulevards Alexandre-Martin et de Verdun. [ca.1973]. Photographie de la gendarmerie nationale.
Archives municipales d’Orléans, 3Fi760.
Vue aérienne entre le boulevard Rocheplatte et la place Albert 1er. [ca.1973]. Photographie de la gendarmerie nationale.
Archives municipales d’Orléans, 3Fi767.
Vue aérienne du boulevard Jean-Jaurès. [ca.1973]. Photographie de la gendarmerie nationale.
Archives municipales d’Orléans, 3Fi781.
Si l’espace des mails demeure toujours arboré, d’autres aménagements, liés à une nouvelle urbanisation, les ont fait évoluer. La zone réservée aux espaces verts s’est progressivement réduite pour laisser place à une simple bande verte presque cernée par l’asphalte. La ville d’Orléans n’a cessé de s’agrandir, au delà des remparts de la ville. Cette évolution finalement naturelle a également modifié sensiblement l’aspect des mails qui sont devenus moins propices à la flânerie. Les espaces de promenade ont progressivement laissé la place aux zones de stationnement et la circulation automobile sur les boulevards les longeant s’est intensifiée. Cependant, ils accueillent toujours plusieurs manifestations comme la foire aux plantes, le marché aux puces, mais aussi les commémorations militaires au monument de la Victoire.