D'un espace agricole à l'avènement d'un terrain militaire

Les Groues : un nom et un lieu d’origine ancienne

Au Moyen Âge, le terrain actuel des Groues est situé bien au-delà de l’emprise de la cité orléanaise, dans un espace rural plus vaste situé entre les paroisses de Saint-Jean-de-La-Ruelle, Notre-Dame-des-Aydes et Saran aux confins de la forêt d’Orléans. Grâce à l’exploitation forestière et agricole (culture des céréales notamment), mais aussi viticole, les propriétaires y perçoivent divers droits.

L’importance qu’à tenue la propriété des Groues dans cet espace reste encore mal connue. Quelques recherches historiques permettent de mentionner certaines étapes de son histoire.

Dans son étude sur les noms de lieux du Loiret (Horvath, Roanne, 1979), Jacques Soyer indique que ce toponyme de racine celtique provient de l’ancien français « Groe » ou « Groue », qui signifie « terrain caillouteux ». L’auteur précise que la première mention « Les Groues » apparaît en 1291-1292 dans un censier du prieuré de Saint-Sanson d’Orléans, registre sur lequel sont inscrites les contributions du cens. Cela atteste de l’existence, dès la fin du 13e siècle, d’une propriété foncière appartenant à une communauté religieuse.

Selon l’archiviste départemental Charles-Louis de Vassal (Revue orléanaise, 1847), au 17e siècle la Grange des Groues appartient à Christophe Augran, docteur à l’Université d’Orléans. En 1652, ses héritiers la vendent au couvent des Chartreux. La ferme comprend 127 arpents de dépendances et 40 arpents de terre, les bâtiments sont alors situés sur la paroisse de Saint-Jean-de-la-Ruelle.

Le nom des Groues perdure jusqu’au 19e siècle, « Grange des Groues », « Clos de la Grange des Groues », « rue de la Grange des Groues » se retrouvent sur l’ancien cadastre d’Orléans établi en 1823. La propriété de la Grange des Groues se situe alors sur la commune d’Orléans.

D'après les recherches de l’historien Michel Philippe (Les Groues, histoire de son espace et de son évolution, 2019), le propriétaire en 1823 se nomme Ducormier. Il possède la maison ainsi qu’une partie du clos de la Grange des Groues (13 parcelles sur 51) comprenant 2 jardins, 6 parcelles de vigne et 2 parcelles de terre. En 1847, la propriété change de mains, les sœurs Martin de la Fauconnière demeurant à Orléans, deviennent propriétaires usufruitières. La Grange des Groues est affermée au cultivateur Narcisse Regien. L’acte de vente fourni une description détaillée de la ferme qui est composée de 4 corps de logis. Hormis les pièces d’habitation et les greniers, elle comprend un four à pain, 2 poulaillers, 2 caves dont l’une voutée, une grande grange à blé, une grange à avoine, 3 bergeries, une étable à vache.

L’exploitation de la propriété perdure jusqu’à la guerre franco-prussienne de 1870-1871 qui marque alors un tournant dans l’histoire des Groues.

 

Les Groues dans la guerre franco-prussienne de 1870-1871

C’est lors de l’invasion prussienne qui progresse dans le Loiret à partir de septembre 1870, que le nord d’Orléans devient le cadre des affrontements entre Prussiens et Français. Arrivées aux portes de la ville, les armées ennemies prennent position à Saint-Jean-de-la-Ruelle, Fleury-les-Aubrais et Saran et notamment aux Groues et dans le faubourg des Aydes. Ce secteur est le cœur des combats meurtriers qui se déroulent les 10 et 11 octobre, avant la prise d’Orléans par l’armée prussienne. Beaucoup de maisons sont alors brulées ou bien pillées, comme celle de la grange des Groues.

Le vicaire des Aydes, Jean Paul Félix Hermet, est présent sur le terrain. Dans son journal de 235 pages, il relate les évènements qui se déroulent d’octobre à novembre 1870 dans le quartier :

« A la ferme de la grange de Groues c’était un autre spectacle. La maison, centre du combat, était labourée et criblée de balles, les bombes l’avaient écornée et défoncée, l’intérieur  répondait à l’extérieur, cloisons abattues, meubles brisés, linges nageant pêle-mêle avec ustensiles de cuisine dans une mare de vin alimentée par une mise sur le bout. Les cavaliers Bavarois faisaient bombance ; la plupart étaient ivres. Ils nous regardaient comme des bêtes curieuses » (AMO, 101S13).

 

Le monument du petit chasseur

Les soldats prussiens et français morts dans ces combats sont inhumés sur les lieux même, principalement sur les terres de la Grange des Groues et près de la Chapelle-Vieille à Saran. Aux Groues, c’est un hommage particulier qui est rendu au soldat Louis Rossat. Ce jeune alsacien est tué le 11 octobre 1870 au sud de la levée du chemin de fer d’Orléans à Tours, près de la rue des Vaupulants où il est inhumé. Par la suite, les habitants du quartier érigent un petit monument en son honneur et lui portent régulièrement des fleurs et des couronnes. Le propriétaire du terrain fait cesser ces pèlerinages en faisant exhumer les restes du soldat afin qu’ils soient transportés dans l’ossuaire d’Orléans. En 1893, le Souvenir Français décide d’élever un nouveau monument à la mémoire du « soldat modèle », Louis Rossat. Financé à l’aide d’une souscription publique, il prend place à l’entrée du champ de manœuvre des Groues où il est inauguré le 28 mai 1893. En forme d’obélisque, il porte l’insigne des bataillons de chasseurs, le cor qui est entouré de palmes, ainsi que plusieurs mentions :

A LA MÉMOIRE DE LOUIS ROSSAT, SOLDAT AU 5e CHASSEUR A PIED, NÉ A GROSNE (HAUT-RHIN), LE 19 JANVIER 1849,

TOMBÉ AU CHAMP D’HONNEUR, LE 10 OCTOBRE 1870.

IL AVAIT ÉTÉ INCORPORÉ AU 16e BATAILLON LE 12 AOUT 1870 SOUS LE N° MATRICULE 2625.

PETIT CHASSEUR PLEIN DE VAILLANCE, TA MORT ATTRISTE TA VERTUE. SOUVENIR FRANÇAIS, 1893.

 

Toujours situé aux Groues, le monument du petit chasseur est aujourd’hui érigé rue des Chaises, commune de Saint-Jean-de-la-Ruelle.

 

Le champ de manœuvres des Groues

A la suite de la guerre franco-prussienne, l’armée française se réorganise et augmente ses garnisons dans la plupart des grandes villes de France. C’est ainsi qu’en 1873, Orléans devient le siège du quartier général du 5e corps d’armée. La ville amorce alors une transformation urbaine avec l'établissement de nouvelles constructions et installations militaires.

Le 5 février 1873, le conseil municipal vote une somme de 600 000 francs à titre de subvention à l’État pour la construction d’une école d’artillerie et l’établissement des casernes destinées à l’établissement de deux régiments d’artillerie. On prévoit de pouvoir accueillir, pour chacun des régiments, 1 500 hommes et 900 chevaux. Le ministère de la Guerre entend également créer un champ de manœuvre de cinquante hectares.

La caserne Coligny est construite à partir de 1875 dans un quartier neuf du Faubourg Bannier. Elle est située entre la rue des Murlins et la route de Paris [actuel Faubourg-Bannier] où se trouve son entrée principale. A l’ouest de la rue des Murlins, un dépôt de matériel d’artillerie est édifié près de la voie ferrée Orléans-Tours. 

De l’autre côté de la voie, le champ de manœuvres est installé sur le clos de la Grange des Groues et les clos alentours. 45 hectares répartis sur les communes d’Orléans et de Saint-Jean-de-la-Ruelle sont expropriés et cédés à l’État. Le terrain et ses accès sont aménagés pour recevoir les exercices des régiments. La Grange des Groues n’apparaît plus sur l’atlas des bâtiments militaires du champ de manœuvres des Groues dressé en 1898. Un nouveau bâtiment est construit à l’est du terrain pour abriter les salles d’artillerie et d’artifice : la poudrière. A l’opposé et légèrement en dehors du terrain de manœuvres, figure un stand de tir.

 

Date de modification : 2 février 2021

Partager sur