La fondatrice : Marie Chassot

Marie Célestine Anne Rémont naît le 10 juillet 1865 à Nazelles, en Indre-et-Loire. A cette époque, ses parents sont domiciliés à Paris, 11, rue Trévise, dans le 9e arrondissement. Ils possèdent également une propriété au Perreux à Nazelles.

Les archives familiales ne donnent aucune indication sur le type d'éducation reçue par Marie Rémont. Les tenues vestimentaires et les lieux représentés sur les photographies familiales laissent à penser que Marie et sa famille font partie de ce qu'on appelle alors la "bonne société" du Second Empire puis de la IIIe République.

Marie Rémont se marie le 17 août 1894 à Fontainebleau avec Adrien Chassot, 35 ans, capitaine au 4e régiment de Hussards, chevalier de la Légion d’Honneur, alors en garnison dans cette ville.

De cette union, naissent trois enfants : Claire Jeanne Madeleine, née le 12 juillet 1895 à Meaux (Seinte-et-Marne), Marguerite Germaine, née le 3 octobre 1896 à Chartrettes (Seine-et-Marne) et Théophile Albert Adrien, né le 15 novembre 1897 à Meaux (Seine-et-Marne).

L'engagement "à la tête de toutes les cohortes généreuses"

Quand la guerre éclate, Marie Chassot habite à Orléans depuis quelques mois seulement. Elle y a suivi son mari, le colonel Adrien Chassot, arrivé en avril 1914 pour installer le régiment du 8e Chasseurs.

Dès Noël 1914, avec les épouses des commandants des différents régiments d'Orléans, la colonelle Marie Chassot organise une collecte d’argent et de don en nature pour les soldats qui sont au front. En janvier 1915, la presse évoque les nombreux remerciements envoyés par les soldats.

Grâce aux articles du Journal du Loiret, on sait que Marie Chassot est impliquée tout au long du conflit dans plusieurs œuvres de secours aux victimes de guerre et de soutien aux soldats. Ainsi, elle est membre du comité de l'Œuvre de l'aide aux veuves de militaires. C'est aussi l'une des dames quêteuses de l'Œuvre de l'Habit chaud du soldat et du pain du prisonnier, soutenue par l'Evêque d'Orléans, Monseigneur Touchet. Elle semble faire partie des sociétés de secours aux blessés militaires et à ce titre, participe à l'organisation de fêtes de bienfaisance. Le rédacteur du Journal du Loiret du 22 janvier 1915, qui relate une soirée de bienfaisance organisée à la salle de L'Alhambra, indique : "dût sa modestie aimable et délicate s'en froisser, je ne saurais taire le nom de la femme de bien orléanaise qui eut l'idée première de cette réunion de bienfaisance : la colonelle Chassot, qu'on retrouve toujours et partout à la tête de toutes les cohortes généreuses".

En plein hiver 1915, elle organise une collecte d'alcool destiné au front. Par la suite, elle gère des collectes de vêtements destinés aux blessés des hôpitaux d'Orléans et de ses alentours comme celui de Sully-sur-Loire ou le sanatorium de Chécy. En septembre 1915, elle fait passer une annonce pour demander aux femmes orléanaises de tricoter pour les blessés des hôpitaux de la ville. L'article de presse du 8 septembre 1915 souligne la grande "initiative de Madame Chassot dont le dévouement n'a pas de borne" et indique qu'elle met la laine gratuitement à disposition de celles qui le veulent.

Ces engagements peuvent sembler assez caractéristiques d'une femme de sa condition sociale et de son époque. Toutefois, Marie Chassot va plus loin puisqu'elle est elle-même à l'origine de la création d'une œuvre qu'elle qualifie "d'éminemment patriotique et humanitaire". Initialement, son but est d'organiser la réinsertion professionnelle des mutilés qui passent par l'hôpital-dépôt de convalescents du quartier Louis-Rossat. Au-delà de cette initiative - proposée rapidement à l'ensemble des mutilés de la Ve Région militaire - ce qui fait la singularité de Marie Chassot, c'est son implication outre mesure dans cette œuvre qu'elle n'aura de cesse de faire vivre et d'animer, avec ses deux filles Claire et Germaine, depuis les premiers mois de la guerre jusqu'en 1921 et ce, malgré la perte de son fils, Théo, disparu lors des combats de Dormans, le 15 juillet 1918.

"a fait l'admiration de tous dans l'oeuvre de rééducation des mutilés"

Les quelques courriers signés de Marie Chassot et les échanges qu'elle entretient avec la Mairie d'Orléans montrent sa détermination et son tempérament. Celle qu'on appelle alors "la colonelle Chassot", comme l'exige le protocole, semble inspirer un profond respect et une grande admiration de la part de ses contemporains. La presse dira que son œuvre attire "toutes les sympathies". Ainsi, les quelques témoignages recueillis dans le Journal du Loiret et dans les archives municipales évoquent à plusieurs reprises une femme qui fait figure de mère pour "ses protégés" et dont "l'inlassable activité est un exemple pour ses mutilés". L'école semble s'appuyer sur un cadre familial. L'apprentissage a lieu en petits groupes. Les courriers et les dons sont à adresser directement au propre domicile de Marie Chassot, boulevard Rocheplatte puis rue des Charretiers à Orléans. Celle-ci est présente sur plusieurs photographies aux côtés des blessés français ou serbes dans les ateliers, dans les champs ou encore au sein de l'élevage de porcs. Elle assiste aux funérailles des défunts, est témoin de mariage, organise une collecte pour un blessé orphelin venant "des pays envahis" afin que son épouse et lui "aient un foyer et pour qu'ils fondent une famille."

En mai 1915, le conseil municipal d'Orléans rappelle que "tout le monde à Orléans connait [son] dévouement pour les blessés". Ce dévouement - qualifié d'absolu par le maire Fernand Rabier - son zèle et les résultats obtenus sont soulignés à de multiples reprises durant le conflit mais également après. En 1917, le préfet parle d'une "dame au grand cœur". Le 11 novembre 1918, alors que les Orléanais se rassemblent sur la place du Martroi pour fêter l'Armistice, une partie de la population présente organise spontanément une quête dont le fruit est remis à l'école de Marie Chassot. En 1921, lors du mariage de sa fille Claire, le discours d'Albert Laville, maire d'Orléans, rappelle que Marie Chassot "au cours de la tourmente, avec un zèle d'apôtre et un dévouement de sœur de charité s'est prodiguée auprès des blessés et par la suite a fait l'admiration de tous dans l'œuvre de rééducation des mutilés."

En bonne mère de famille qui veille à l'économie du foyer, la colonelle Chassot semble en effet faire tout ce qu'elle peut pour le bien des mutilés et la réussite de leur réinsertion. Elle passe de nombreuses annonces pour placer les blessés chez les commerçants orléanais. Elle en propose également aux femmes de cultivateurs mobilisés pour accomplir les travaux agricoles. L'aide qu'elle propose bénéficie à la fois aux blessés et aux civils qui doivent faire face à la pénurie de main d'œuvre. Marie Chassot semble mettre du bon sens dans chacune de ses actions. Son but est d'améliorer la situation matérielle et morale des blessés. En 1917, elle propose que les mutilés aillent récolter les excédents chez les producteurs de fruits. Cette cueillette, qui agrémente sans nulle doute les repas servis à l'école et permet de lutter contre le gaspillage, est aussi l'occasion de donner de l'ouvrage aux blessés et ainsi de leur redonner confiance. Elle permet également de montrer aux producteurs de quoi sont capables les mutilés.

En 1920, alors que la guerre est finie mais que les pénuries durent, Marie Chassot propose gratuitement aux Orléanais qui le souhaitent des copeaux de bois issus des ateliers de menuiserie. Elle aide ainsi les civils à trouver facilement du combustible.

Marie Chassot met également son réseau à profit afin de lever des fonds. Elle multiplie les soirées de galas au cours desquelles elle fait venir des artistes renommés. En 1916, elle organise aussi une fête du sport qui attire environ 2 500 personnes au Jardin des Plantes où sont organisées les épreuves. La recette est entièrement reversée à l'école. En 1917, les sociétés sportives réitèrent l'évènement toujours au profit de l'école.

Fin 1918, la municipalité d'Orléans organise une cérémonie en l'hommage de Marie Chassot. Elle indiquera, dans une lettre du 5 novembre 1918 adressée à Fernand Rabier que c'est au cours de cette cérémonie que le conseiller municipal, Maurice Dubois,  lui apprit les circonstances dans lesquelles sont fils a disparu. Elle indique "j’étais étreinte par une émotion que ma rencontre avec le Capitaine Dubois a portée à son paroxysme ! […] Le Capitaine  venait de me dire qu’il avait été fait prisonnier à la même date et même endroit où, d’après l’ordonnance, mon fils serait tombé blessé sans qu’on puisse retrouver sa trace !".

En 1919, pour la remercier de son initiative et de son dévouement, l'Etat remet la Médaille de la Reconnaissance française à Marie Chassot. Deux ans auparavant, sa fille Claire, est décorée de la Médaille des épidémies.

Les circonstances de la démission de Marie Chassot en 1921 ne sont pas connues. Celle-ci semble vivre à Orléans jusqu'en 1926, date à laquelle sa fille Germaine se marie. Par la suite, elle s'installe dans la propriété familiale située à Aix-en-Provence. Elle décède à plus de 90 ans.

Un billard S.V.P.

"Mon Dieu, oui, un billard. Ce sont les mutilés et les convalescents de la caserne Louis-Rossat qui le désirent et seraient heureux de le recevoir, serait-ce un billard démodé ou un billard ayant déjà pris sa retraite. Que l'on songe seulement que ces braves soldats, dont presque tous ont versé leur sang pour la patrie et dont un grand nombre lui ont sacrifié un ou plusieurs membres, trouvent les journées longues dans une caserne d'où ils ne peuvent sortir et où les distractions sont plutôt rares.

Que celui ou ceux qui voudraient ou pourraient leur procurer un billard veuillent bien faire leurs offres à Mad. Chassot, 49, boulevard Alexandre-Martin."

Annonce paru dans le Journal du Loiret, 20 mai 1915.

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