Les archives à Orléans : une histoire de plusieurs siècles

Les archives à Orléans : une histoire de plusieurs siècles

On dit que les choses que nous connaissons le moins, sont celles que nous avons auprès de nous...

François-Edmond Desnoyers, Une visite aux archives de la Mairie, Emile Puget, Orléans, 1865 (AMO, C10031)

Les archives avant la Révolution

Dans Essai historique sur le régime municipal à Orléans d'après les documents conservés aux archives de la ville (1389-1790), François Bonnardot écrit qu'aucun document ne peut vraiment être regardé comme le point de départ de l'organisation du régime municipal. Orléans n'a pas reçu de charte d'affranchissement mais a bénéficié de plusieurs privilèges particuliers, le plus souvent moyennant finances ou établissement d'une taxe. Il évoque ainsi différentes ordonnances des Rois de France sur la Ville remontant à 1057. 

Toutefois, en tant qu'archiviste de la ville, le plus ancien document qu'il ait pu inventorier date de 1183. Il s'agit d'un diplôme établi par Philippe Auguste, Roi de France, dans lequel est concédée aux habitants d'Orléans, des bailliages d'Olivet et de Saint-Jean, du Coudray, de Rebréchien et de Gémigny l'exemption de tous impôts, en échange de l'établissement d'une taille du pain et du vin, perçue en retour d'une concession de monnaie invariable. La gestion de cette taille est confiée aux sergents royaux assistés de 10 bourgeois d'Orléans élus annuellement par les habitants. 

Difficile donc de dire s'il y a eu des documents écrits antérieurs à 1183 dans les fonds de la ville. Ce qui est sûr, c'est qu'à ce jour, le diplôme de Philippe Auguste, considéré par certains comme l'acte de naissance de la Ville d'Orléans, est bel et bien le document encore existant le plus ancien des archives municipales.

L'organisation des archives sous l'Ancien Régime est inconnue. Le ou les lieux de conservation également. Conservées personnellement et temporairement par les bourgeois en charges d'offices publiques ? dans la Tour Saint-Samson du Châtelet où le corps de Ville se réunissait ? puis, dans l'Hôtel des Créneaux qui fit office d'hôtel de ville de la Renaissance à la Révolution ? La question reste à éclairicir. 

Premiers travaux de classement

En 1790, l'ancien hôtel particulier du bailli Groslot devient l'hôtel de ville. C'est dans cet édifice qu'on va alors retrouver trace des archives. 

Le 9 mai 1835, le Conseil municipal demande que les documents n'ayant plus d'utilité administrative soient conservés à la Bibliothèque, alors installée rue Guillaume-Prousteau. Un inventaire est établi et le Maire entérine le transfert par arrêté du 19 novembre 1835. La suite des évènements laisse à penser que seule une partie des documents est prise en charge par la bibliothèque.  

En effet, en décembre 1862, sur l’insistance du Ministre de l’Intérieur, le maire Eugène Vignat crée un premier emploi d’archiviste pourvu dès janvier suivant. Les archives, conservées dans les greniers de l'Hôtel Groslot, semblent en grand désordre. Aussi, avant tout travail d'inventaire, Antoine Veyrier du Muraud, archiviste-paléographe formé à l'Ecole des Chartes, commence à séparer les archives antérieures à la Révolution de celles postérieures à 1790. Après lui, plusieurs archivistes vont se succéder. Leurs travaux donneront naissance, en 1907, au premier tome de L'inventaire sommaire des archives communales antérieures à 1790 suivi en 1935, du second tome qui décrit une partie des registres paroissiaux. Le troisième tome, qui devait décrire le reste des registres paroissiaux, ne verra pas le jour.

Dépôt aux Archives départementales...

Entre 1905 et 1920, les rapports d'inspection évoquent les mauvaises conditions de conservation, comme des vitres cassées qui soumettent les documents aux aléas climatiques, et un éparpillement peu propice à la recherche. 

Une partie des documents est à la Bibliothèque, une autre au deuxième étage de l'hôtel Groslot et les registres paroissiaux sont rangés dans le bureau de l'Etat civil. Les archives datant de la période révolutionnaire et postérieures sont mélangées dans les papiers administratifs du début du 20e siècle. En 1919, un rapport indique que les archives anciennes sont "sous les combles de l'Hôtel de la Ville dans une petite salle difficilement accessible et dont l'entretien laisse souvent à désirer. En cas d'incendie, leur sauvetage" serait "impossible, tout au moins très malaisé".

Il est alors proposé de transférer les documents les plus anciens aux Archives départementales où elles seraient dans "un logement digne d'elles et une surveillance constante de la part d'un fonctionnaire". La Ville accepte. Elle reste toutefois propriétaire des fonds. Le 31 décembre 1920, Jacques Soyer, directeur des Archives départementales, précise : "Le 6 août dernier, j'ai pris en charge les papiers communaux compris entre 1790 et 1815, transférés ici et déposé actuellement dans l'ancienne chapelle des Minimes. Les Archives antérieures à 1790 - dont je fais actuellement un minutieux récolement - seront, elles aussi, bientôt complétement déposées aux Archives départementales (sauf la série GG (registres paroissiaux des baptêmes, mariages et décès), qui restera conservée dans le Bureau de l'Etat civil". Les archives datant d'avant 1790 sont déposées aux Archives départementales du Loiret dans les mois suivant.

... et incendie de juin 1940

A la fin des années 1930, alors que l'éclatement d'une guerre menacele directeur des Archives du Loiret décide de transporter des caisses d'archives dans les châteaux de Combreux et de l'Emérillon. En plus d'une partie des fonds anciens du département, il fait mettre à l'abri une partie des archives anciennes de la Ville d'Orléans conservées aux Archives départementales. Faute de temps et de crédits, il ne peut faire emmener tous les documents départementaux et municipaux. Le 18 juin 1940, le secteur de la rue d'Illiers est bombardé. L'ancien couvent des Minimes, qui abrite les Archives départementales, brûle entièrement. Les fonds d'archives qui y étaient restés disparaissent.

Dès la fin du conflit, les archivistes départementaux font un état des lieux de ce qui a subsisté. Pour les archives d'Orléans antérieures à 1790, ce sont environ 5 mètres linéaires de documents. Les registres paroissiaux, restés en Mairie, ont été épargnés. Les pertes pour les fonds du département comme pour ceux de la Ville sont irréparables et se mesurent, encore aujourd'hui, pour tous ceux qui souhaitent étudier l'histoire de la ville avant la Révolution française, voire les années 1810.

L'hôtel de ville, où étaient restées les archives postérieures à 1815, ne fut, quant à lui, pas touché par les bombardements. De plus, il semble que dès le 14 juin 1940, tout ou partie des archives municipales auraient été mises à l'abri dans la propriété des Bruyères à Souesmes (Loir-et-Cher) comme on peut le lire dans le compte-rendu du Conseil municipal du 5 juillet 1940. Les archives de la ville postérieures à 1815 échappent ainsi aux destructions liées à la guerre.

Errance et déshérence...

Après-guerre, la question de la conservation des archives ressurgit. Tous les documents du 19e et du début du 20e siècle doivent être organisés. Une partie est à l'Hôtel Groslot, dans les bureaux et les combles. Les plus anciens sont dans la chapelle de l'Officialité près de l'ancien Evêché. La place manque. Il est question d'entamer des négociations avec la paroisse Sainte-Croix pour occuper le 1er étage de la chapelle et de recruter un élève archiviste-paléographe pour faire du tri .

En 1961, André Chamson, alors directeur des Archives de France, écrit au maire Roger Secrétain pour lui indiquer que les archives ont été négligées et qu'il faut les réorganiser. L'année suivante le directeur des Archives départementales du Loiret insiste sur la nécessité de prévoir le recrutement pérenne d'un archiviste municipal, au vu de l'arriéré considérable accumulé et des archives à traiter pour une Ville de près de 100 000 habitants.

En 1964, la chapelle de l'Officialité doit être libérée afin d'installer l'imprimerie municipale. Il est un temps proposé de recourir aux caves de l'ancienne Usine Saintoin, rue de Bourgogne mais cela n'aboutit pas faute d'aménagement nécessaire. Après avoir envisagé d'utiliser les caves du Musée historique, il semble que les archives trouvent place provisoirement dans l'ancien Lycée Pothier, rue Jeanne-d'Arc. En 1966, le secrétaire général de la Mairie, Serge Bodard, évoque "des conditions qu'il vaut mieux ne pas qualifier". Il faut parallèlement faire des travaux de toiture à l'Hôtel Groslot pour protéger les documents qui sont sous les combles.

En 1968, les archives situées à Pothier rejoignent le reste du fonds à l'Hôtel Groslot. En 1970, Henri Charnier, directeur des Archives départementales du Loiret, souligne l'urgence à recruter un archiviste. Les archives sont de plus en plus dispersées. Rien n'est accessible aux chercheurs.

1971 : naissance des Archives municipales

Début 1971, Martine Gaucher est recrutée pour quelques mois avec le rude devoir d'organiser des dizaines de mètres linéaires de documents répartis ici et là et datant du 19e siècle aux années 1960. La tâche est herculéenne et, finalement, Martine Gaucher-Vincent ne restera pas seulement quelques mois mais réalisera toute sa carrière aux Archives municipales qu'elle quittera début 2009, en qualité de Conservateur en chef.

Le service naissant va disposer d'une salle faisant office de salle de tri et bureau dans l'ancienne chapelle Saint-Hubert, sous les arcades du Campo Santo. Elle est équipée de 700 mètres linéaires de rayonnages. Mais, pour travailler au tri et à l'inventaire, Martine Gaucher-Vincent navigue entre les greniers et les bureaux de l'Hôtel Groslot, un préfabriqué, des locaux situés rue des Anglaises et rue Paul-Fourché. En 1974, 400 mètres linéaires de documents inutiles ont déjà été supprimés et des dizaines de dossiers inventoriés mais les problèmes de place et de locaux inadaptés demeurent malgré les relances de l'archiviste municipale appuyées par celui du département. Ainsi, il n'y a pas d'espace d'accueil. Face aux demandes de consultation des services et du public, l'archiviste cède son bureau et organise tant bien que mal les navettes de dossiers entre les différents points de stockage. Aucun travail de valorisation historique n'est envisageable, ce qui conduit - de fait - à laisser les archives municipales dans l'ombre et le travail réalisé méconnu.

En 1978, les archives doivent quitter le Campo Santo en travaux en raison de la création du parking souterrain. Après avoir occupé provisoirement 3 pièces d'un immeuble situé 37, rue du Colombier, le service arrive finalement 37, rue du Bourdon-Blanc fin 1978. Martine Vincent est assistée, depuis quelques temps déjà, de Dominique Asfir-Vaussion, qui l'aide pour la dactylographie des inventaires. 

L'installation dans le Centre municipal

Dans les années 1970, la plupart des services municipaux sont à l'étroit dans leurs locaux. Dès 1974, le cabinet d'architectes Arsène-Henry travaille à la création d'un Centre municipal qui sera implanté face à l'Hôtel Groslot. Il sera inauguré le 15 décembre 1981.

A l'arrière du bâtiment, face au Campo Santo et dans le prolongement du Musée des Beaux-Arts, un espace vitré est aménagé en rez-de-chaussée pour les Archives municipales. On y trouve deux bureaux et une salle de lecture. Surtout, en sous-sol, sur deux niveaux, sont prévus des salles équipées de rayonnages et une salle de tri. Les collections vont enfin pouvoir être regroupées facilitant ainsi la surveillance, les travaux de tri et d'inventaires mais aussi la communication aux services municipaux et au public. Le service composé alors de 3 personnes ne fermera que 6 semaines pour superviser et assurer l'ensemble du déménagement. L'installation est achevée le 18 octobre 1982.  

La situation n'est néanmoins pas complètement idyllique. Les Archives municipales restent avant tout un service administratif à la finalité patrimoniale méconnue. Aucun espace dédié à la valorisation n'est aménagé. Par ailleurs, tous les services municipaux ont déménagé quasiment au même moment dans le nouvel hôtel de ville. A cette occasion, la plupart d'entre eux ont versé leurs dossiers aux Archives municipales, elles-mêmes en cours d'installation. Un fort arriéré de classement se constitue alors. En 1984, l'équipe est finalement renforcée d'agents supplémentaires.

Le réaménagement de 2007

Les Archives municipales bénéficient d'un réaménagement des bureaux et de la salle de lecture au début des années 2000, à la faveur de la restructuration des locaux d'accueil du Centre municipal. En effet, depuis l'installation de 1982, l'équipe s'est étoffée et l'espace initial n'est plus adapté. Il est notamment insuffisant pour effectuer les travaux de classement et de tri.

En septembre 2007, après un an de travaux, la nouvelle salle de lecture, plus vaste, ouvre ses portes. Les 6 archivistes bénéficent alors de 5 bureaux contre 2 précédemment. Les quatre grandes vitrines, imaginées par le Cabinet d'architectes orléanais BHPR, constituent la nouveauté du service. Pour aménager un espace de valorisation dans une zone contrainte, il est imaginé d'utiliser les quatre fenêtres du service comme de grandes vitrines d'exposition. Encadrées de caissons en bois clair, les vitrines donnent sur la rue Fernand-Rabier, sous un passage abrité jalonné d'arcades. A partir de 2007, les Archives municipales entament une activité régulière d'expositions temporaires de leurs documents dans cet espace. Les expositions sont gratuites, visibles de la rue, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.

Bénéficiant aussi désormais d'une entrée indépendante, les Archives municipales peuvent envisager de participer à des portes ouvertes. Ainsi, depuis 2011, chaque année, le service participe aux Journées européennes du patrimoine en proposant des visites des locaux de conservation et des présentations de documents originaux.

En 2011, à la faveur des Journées européennes du patrimoine, les Archives municipales lancent un site Internet dédié à la communication et à la valorisation de leurs fonds, donnant ainsi une visibilité nouvelle à ce service méconnu du grand public. 

2015 : la mutualisation avec les archives de l'agglomération

En 1964, le Syndicat intercommunal à vocation multiple de l'agglomération orléanaise (SIVOM) est créé à l'inititive de 12 communes, dont Orléans, dans le but de répondre aux questions liées à la destruction des ordures ménagères. C'est la naissance de l'intercommunalité orléanaise. Le syndicat évoluera, par la suite, en communauté de communes, en communauté d'agglomération puis, en mai 2017, en métropole. Le nombre de communes membres de ces structures successives progressera de 12 communes à 22. De 1964 à 1999, c'est l'hôtel de ville d'Orléans qui fait office de siège social de l'intercommunalité. Les bureaux sont rue des Anglaises à Orléans. En 1999, l'Espace Saint-Marc, bâtiment propre aux services intercommunaux est inauguré place du Champ-Saint-Marc à Orléans.

Des archives sont produites depuis la naissance du SIVOM en 1964. Une archiviste, chargée également de la documentation, est recrutée en 1999 pour s'occuper de l'organisation des fonds. Alors que jusque-là, les archives les plus anciennes avaient été déposées aux Archives départementales du Loiret,  il est finalement décidé d'aménager une salle de conservation des archives sous l'Espace Saint-Marc. En effet, les compétences de l'intercommunalité s'accroissent et donc la production de dossiers aussi. A cette salle, s'ajouteront ensuite des locaux inadaptés, utilisés provisoirement, puis un espace dans le bâtiment du service Assainissement, situé à La Chapelle-Saint-Mesmin, qui arrivera rapidement à saturation.

En 2015, dans le cadre de la mutualisation de services de la Ville d'Orléans et de la future Orléans métropole, le pôle Archives de l'intercommunalité est rattaché aux Archives de la Ville d'Orléans pour former un service commun donnant naissance aux "Archives municipales et communautaires d'Orléans".

L'archiviste de l'intercommunalité s'installe dans les locaux des Archives municipales, dans l'hôtel de ville. Les usagers bénéficient à partir de cette date d'une salle de lecture unique pour consulter les archives de la ville et de l'intercommunalité. Toutefois, faute de place, il n'est pas envisageable de ramener les documents intercommunaux dans les dépôts des Archives municipales. Ils restent stockés à l'Espace Saint-Marc et à La Chapelle-Saint-Mesmin.

Quelle conservation demain ?

Au 31 décembre 2016, les Archives municipales et communautaires d'Orléans conservent 6,251 kilomètres de documents répartis sur 6 sites de conservation. Chaque année, malgré les travaux de tri et éliminations règlementaires, c'est en moyenne 200 mètres linéaires de documents en plus qui sont versés dans les dépôts. La question de la place disponible est de plus en plus prégnante. Elle rejoint celle de la conformité des locaux actuels pas tous adaptés à une bonne conservation des archives historiques dans le temps. 

Par ailleurs, archiver au début du 21e siècle, c'est continuer à recevoir du papier. C'est aussi faire face à la dématérialisation des procédures et des dossiers administratifs. L'archiviste se questionne sur la façon de collecter, inventorier, conserver et communiquer cette nouvelle production documentaire, sources de l'histoire locale demain. Déjà, on ne parle plus simplement d'archives mais de données.

Les enjeux des années à venir sont donc de trouver de la place dans des locaux adaptés pour des archives patrimoniales ainsi que d'accompagner les mutations liées aux évolutions des techniques. 

Demain, continuer de diffuser et transmettre

Poursuivre les travaux de collecte des dossiers administratifs, ceux d'inventaire et se soucier de la bonne conservation dans le temps des archives n'ont qu'un seul but : communiquer à tous les sources de l'histoire et les transmettre aux générations futures.

Progressivement, les Archives d'Orléans ont développé leur mission de communication : création de la salle de lecture au début des années 1980, réalisation d'expositions à partir des années 1990, participation aux expositions patrimoniales organisées par la Ville à partir des années 2000 et accueil ponctuel de groupes dans le même temps. En 2011, l'ouverture du site Internet a permis de donner une nouvelle visibilité aux fonds. Aujourd'hui, c'est en moyenne 35 000 visiteurs uniques par an sur notre site ! Dès 2012, de nouvelles actions ont été développées en faveur du public, notamment des projets d'indexation collaborative ou des espaces de commentaires ou d'identification de photographies. Début 2015, la création du compte Twitter @ArchivesOrleans venait en complément pour animer la vie du site Internet via ce réseau social.

Demain, l'objectif sera de continuer à s'adapter à la dématérialisation des échanges avec notre public, d'imaginer de nouvelles offres et d'ouvrir toujours plus de sources et inventaires consultables en ligne.

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