La réorganisation de l'enseignement et la réforme de l'école d'Orléans
La réorganisation de l'enseignement et la réforme de l'école d'Orléans
Un enseignement à temps complet
Au milieu du 20e siècle, une cinquantaine d’écoles municipales d’art sont en fonctionnement en province. Ces écoles ne disposent pas d’organisation d’ensemble et les enseignements très variés sont soumis aux possibilités locales, le plus souvent sous la forme de modestes cours du soir. C’est dans un esprit d’unité sur le plan national, qu’une politique de structuration de l’enseignement des Beaux-Arts est mise en place. Un nouveau diplôme est institué par décret ministériel du 11 juin 1954, le certificat d’aptitude à la formation artistique supérieure, décerné après 3 ans d’études. L’ambition du C.A.F.A.S., qui correspond à l’équivalent d’un baccalauréat artistique, est de permettre de meilleurs débouchés professionnels aux étudiants.
Ainsi, 170 ans après sa création, l’école d’Orléans fondée en 1786 entame sa plus importante réforme qui est votée en séance du conseil municipal du 20 janvier 1956. A compter du 1er juin suivant, le cursus scolaire passe à temps complet. L’emploi du temps qui regroupe jusqu’alors les cours dans la soirée, se répartit à plein temps sur la journée, soit de 9 heures à 12 heures et de 14 heures à 19 heures, tous les jours de la semaine.
Des formations diplômantes
L’école ne compte plus qu’une seule section et pour chaque élève, le travail d’une semaine peut se répartir ainsi : 16 heures de dessin, 6 heures de peinture, 6 heures d’études documentaires, 6 heures de décoration, 6 heures de sculpture, 1 heure d’Histoire de l’art, 2 heures d’architecture, 2 heures de perspective, 1 heure d’anatomie, 2 heures de gravure, 2 heures de céramique.
L’école entend assurer la préparation aux examens et concours suivants : C.A.F.A.S., entrée dans les écoles nationales supérieures des beaux-arts et arts décoratifs, professorat de dessin, diplôme de commis d’architecte.
Selon les conclusions du conseil municipal, cette évolution est jugée inéluctable pour éviter la disparition de l’école d’Orléans ou bien la réduire à une simple école d’amateurs. Si elle engage l’avenir et les finances de la Ville, la réforme est vivement soutenue par le député-maire, Pierre Ségelle. Il entend par là favoriser le rayonnement de la capitale régionale, en comparaison de Tours et de Bourges qui ont su faire évoluer leurs deux écoles des beaux-arts au rang d’écoles nationales.
La dépense supplémentaire pour Orléans est estimée à 4 millions de francs, portant l’ensemble du budget de fonctionnement de l’établissement à 11 millions. L’école compte alors un effectif total de 167 élèves, dont 48 sont domiciliés hors d’Orléans.
Un nouveau règlement
Le nouveau règlement, approuvé le 16 mai 1956, précise que l’école reste placée sous le contrôle de l’autorité municipale et encadrée par la commission administrative et de surveillance. Elle reçoit le concours de l’Etat, les programmes sont approuvés par l’Inspection de l’enseignement des Beaux-Arts. L’enseignement y demeure gratuit à destination des élèves de plus de 14 ans et de moins de 30 ans, les fournitures sont désormais à la charge des élèves.
Un examen d’entrée, dont la moyenne de 10 sur 20 est exigée pour l’admission, comporte des épreuves de dictée et questions, une illustration en couleur, un problème de géométrie et un dessin d’imitation.
Un livret suit chaque élève pendant ses études, sur lequel sont inscrites ses notes personnelles et les récompenses obtenues aux concours de fin d’année. Une composition a lieu chaque trimestre dans chaque matière. Pour le passage dans la classe supérieure, la moyenne de 10 sur 20 est exigée. Pour une note au-dessus de 7 sur 20, une moyenne de 12 sur 20 en antique et en études documentaires est exigée.
Les traditionnels concours de fin d’année restent une source d’émulation, dont le prix Ladureau doté de 450 francs. L’exposition annuelle des meilleurs travaux a lieu en même temps que la distribution des prix.
Les élèves se répartissent en quatre sections : candidats au C.A.F.A.S., commis d’architectes, élèves libres et élèves du jeudi.
D’un unique candidat à la création du C.A.F.A.S. en 1954, 64 élèves préparent le diplôme en 1964. La préparation se déroule en 4 ans et comprend l’ensemble des matières enseignées à l’école : Histoire de l’art, sculpture, culture générale, antique, architecture, céramique, lettres, dessin, peinture, décoration, croquis, modelage, études documentaires, anatomie, gravure et perspective.
En 10 ans, la fréquentation de l’école augmente de 167 à 276 élèves inscrits à la rentrée scolaire en 1964. Dès 1962, la majorité des cours sont dédoublés pour faire face à l’augmentation des effectifs, diminuant ainsi de moitié le temps d’enseignement dispensé à chaque groupe.
Face à l’affluence des élèves et à l’insuffisance des locaux, le conseil d’administration souhaite que l’établissement puisse encore répondre aux attentes des élèves et de leurs parents. Il s’inquiète d’ores et déjà de la construction d’une future école.
La création de nouveaux enseignements
La céramique
Au cours de l’année 1949, les céramistes Jeanne Champillou et Aimé Henry proposent à la Ville d’installer un cours de céramique dans le cadre de l’école. Plusieurs contacts avec le maire, Pierre Chevallier, leur permettent de présenter leur projet de : développement et diffusion de l’art régional de l’orléanais, programme d’études qu’ils souhaitent conduire dans leur atelier de céramique d’art installé 182 Faubourg Bannier aux Aydes.
En créant cet atelier-école, leur ambition est de faire revivre la production de la céramique artistique à Orléans, tout en donnant des débouchés professionnels aux élèves de la section peinture-composition décorative : ramener une activité artistique ou artisanale dans notre ville par la pratique d’un art appliqué, aux caractéristiques régionales, ce serait procurer peu à peu des débouchés aux décorateurs locaux et à nos élèves en particulier.
Le projet est adopté en séance du conseil municipal le 24 avril 1950, sur la base de 2 séances d’une heure et demie de cours par semaine pour chacun des deux céramistes. La durée de la formation est fixée à 3 ans. Le cours est rattaché à l’école, mais il est dispensé dans l’atelier des Aydes. Cette situation entraînant de multiples difficultés, c’est en 1952 que la Ville fait l’acquisition d’un four pour établir la section céramique dans les locaux même de l’école. Jeanne Champillou y enseigne jusqu’en octobre 1968.
Jeanne Champillou
Née le 4 avril 1897 à Saint-Jean-le-Blanc, Jeanne Champillou meurt à Orléans le 22 mai 1978. Elle enseigne le piano jusqu’en 1947, tout en pratiquant le dessin, l’aquarelle, la peinture et la gravure. Elle expose aux Artistes orléanais en 1920, association dont elle devient par la suite vice-présidente.
C’est à partir de 1946 qu’elle débute la céramique en faisant l’acquisition d’un four. Son travail s’oriente vers la production de poteries d’inspiration régionale -objets usuels et décoratifs- et se distingue par la réalisation de décors architecturaux pour des bâtiments publics, des édifices religieux et des demeures privées.
La photographie
Le projet de construction d’une nouvelle école prévoyant la mise en place d’un atelier photographique, la directrice, Marguerite Soulas, propose la création d’un cours de cette discipline dès le mois de mars 1968. Prévu à raison de 16 heures par mois, le cours est destiné à assurer toutes les reproductions des travaux d’élèves jusqu’ici déléguées à des photographes extérieurs. Mais les 4 heures hebdomadaires s’avèrent insuffisantes compte tenu du nombre de travaux à faire. On projette alors de doubler le nombre d’heure et de requalifier le cours en raison de son intérêt pédagogique lié à l’introduction de la photographie dans la publicité, la décoration et la documentation. A ses débuts, l’enseignement est dispensé par Albert Berenguier.
La sérigraphie, l’art des paysages
En 1969, Marguerite Soulas propose également la création d’un cours de 6 heures portant sur la sérigraphie, dispensé par Maurice Gasquet, puis d’un cours de 10 heures intéressant l’Art des jardins, dispensé par Isabelle Tonka. Ces cours mis en place à titre provisoire ne reçoivent pas l’avis favorable du ministère d’Etat chargé des Affaires culturelles, ils sont suspendus en 1970.
Le classement de l'école en première catégorie
En 1964, Marguerite Soulas, évoque la question du classement de l’école d’Orléans, qui réunit, selon elle, les conditions pour un passage de seconde en première catégorie : préparation aux diplômes, postes de professeurs titulaires et à temps complet, classe de première année de commis à temps complet, augmentation des effectifs, avant-projet de construction d’une nouvelle école présenté en commission. Le 16 mars 1964, le classement de l’école d’Orléans est modifié, promouvant l’établissement au rang de première catégorie.
L’arrêté ministériel du 4 février 1966, permet par la suite aux écoles de première classe, la préparation d’une section au moins, au diplôme national des Beaux-Arts, tout comme les écoles nationales.
Quatre ans plus tard, c’est une réorganisation de l’enseignement dans les écoles d’Art de province qui se profile, inspirée des évènements de mai 1968. Une circulaire du 30 octobre 1968 est adressée par le ministre d’Etat chargé des Affaires culturelles aux directeurs des écoles nationales et municipales d’art. Elle a pour objet de définir les nouvelles perspectives offertes à l’enseignement artistique : dans un processus expérimental de définition de nouveaux cursus.
Sous l’impulsion de l’Inspection de l’enseignement artistique, des groupes de travail définissent les grandes lignes de ces nouveaux enseignements, avec le souci de préserver l’autonomie pédagogique des écoles. De nouvelles formations d’arts plastiques sont mises en place selon deux cycles : le premier comprenant une période probatoire et post-probatoire, le deuxième correspondant à des finalités professionnelles, dont la définition se doit d’être élaborée de façon progressive.
A Orléans, c’est un véritable défi à relever pour une école qui opère une transition importante : élaborer un projet d’établissement, dans la perspective de la construction d’un bâtiment neuf qui se doit d'être adapté aux objectifs des nouveaux enseignements.
Une école provisoire
La construction de la nouvelle école implique le déménagement des 15 classes et ateliers dans des locaux provisoires. La superficie nécessaire est évaluée par la directrice à 1200 m2. En mars 1968, la Ville étudie la possibilité de louer les locaux de l’ancienne usine de confection Belleteste située en plein centre-ville. L’entrée principale est située 82 rue des Carmes, l’emprise du bâtit s’étend entre la rue de Limare et la rue des Grands-Champs.
Les anciens locaux industriels de 4 000 m2 se répartissent sur 3 niveaux et même si l’éclairage naturel est assez médiocre, toutes les pièces sont chauffées par une installation d’air pulsé. Le projet de transformation pour adapter les locaux à leur nouvelle destination est conséquent, notamment la révision générale de la plomberie et de l’électricité. Le montant total des travaux est évalué entre 66 000 et 75 100 francs. Le 4 octobre 1968, le conseil municipal approuve la location par la Ville d’une partie de l’ancienne usine moyennant un loyer annuel de 42 000 francs.
Le déménagement général de l’école, ateliers et salles de cours, débute dans le courant de l’été 1968 et nécessite une logistique importante. Une partie du matériel est entreposé dans des locaux scolaires vacants et dans l’entrée de l’immeuble Belleteste. Le matériel du cours de décoration, installé 2 bis rue des Anglaises, est entreposé dans une salle de l’ancien Lycée Pothier [rue Jeanne d’Arc], tandis que les presses du cours de gravure et le matériel du cours de sculpture peuvent être transférés dans les locaux libérés de la rue des Anglaises.
La démolition des bâtiments vétustes de l’école du Campo-Santo doit débuter dès la fin du mois d’août.