Des conditions de travail difficiles
Des conditions de travail difficiles
Les effectifs méconnus
Les archives donnent peu d’éléments sur les effectifs. En 1918, il y a 15 secteurs pour 15 tombereaux donc probablement autant de charretiers. La motorisation surtout à partir des années 1930 augmente les besoins. Chaque benne induit un conducteur et deux chargeurs qui se tiennent à l’arrière pour un ramassage régulier et plus rapide car quasi sans arrêt. En 1935, le service compte au moins 55 agents.
Trente ans plus tard, au milieu des années 1960, l'effectif comprend 39 conducteurs de poids-lourds et 44 éboueurs municipaux. Ces chiffres vont augmenter dans les années 1970 en lien avec l'organisation du temps de travail et l'urbanisation de la ville, notamment l'émergence de nouveaux quartiers tels que La Source. En 1974, on évoque 60 conducteurs et 60 éboueurs.
La pénibilité au quotidien
Qu’ils soient âniers, charretiers, boueux, éboueurs, hommes de peine ou encore gardes-canches, tous œuvrent dans des conditions que l’on devine pénibles à la lecture des documents d’archives. Au 19e siècle, et au moins jusqu’à la disparition complète de l’usage des bennes hippomobiles, le travail consiste à soulever et vider les récipients dans les tombereaux souvent très hauts, balayer les rues et y ramasser les ordures déversées ou échappées sur la chaussée, puis les emporter chez les maraîchers ou dans les canches. Le personnel charge et décharge ainsi des kilos d’ordures de multiples fois au cours de la journée, à une époque où le ramassage est quotidien et la quantité de déchets ne cesse d’augmenter. Les hommes du service des boues et immondices, devenu plus tard le service des ordures ménagères, s’occupent aussi de l’entretien des chevaux, des tombereaux et ensuite, de celui des véhicules mécaniques. Suivant les saisons, ils retirent la neige et le verglas en hiver, nettoient les rues et les dégagent des encombrements liés aux travaux. Pour mémoire, avant 1919 et le passage à la journée légale de 8 heures, la journée de travail peut être de 10 à 12 heures. La semaine à 40 heures et les congés payés seront acquis en 1936.
Malgré la tradition ancienne des étrennes données par les habitants aux éboueurs à chaque nouvelle année, la profession reste souvent déconsidérée. Pour autant, elle est l’une des pièces maîtresses pour la propreté de la ville et la santé des citoyens.
Un équipement longtemps sommaire
Au 19e siècle et au début du 20e siècle, les charretiers, équipés d’une clochette pour se signaler, d’un croc et d’une ratissoire pour débarrasser la voie, marchent à côté du cheval qu’ils mènent, ce qui leur fait sans doute faire des dizaines de kilomètres à pied par jour. Ils doivent tous être coiffés d’un chapeau de cuir noir du même modèle, portant sur une hauteur de 8 centimètres le numéro de leur tombereau inscrit en noir sur une plaque rouge.
Un peu plus tard, ils seront plutôt munis d’une pelle et d’un balai pour dégager les routes ou ramasser ce qui tombe de la benne, mais, hormis cela, on ne sait rien des tenues, sauf à ce qu’elles puissent être lourdement trempées par temps de pluie et qu’il faille, pour autant, les garder toute la journée.
C'est à partir du milieu des années 1960 que des sources nous renseignent à nouveau sur les équipements. Des revendications syndicales et des courriers administratifs laissent à penser que le personnel se voit doter de 2 paires de "bleus de travail" par an ainsi que de gants, suroits (chapeau imperméable) et lunettes ainsi que de chaussures ou de bottes. A l'époque, cette dotation est présentée comme un "avanatage" et non pas comme une nécessité liée aux conditions de travail. Les archives ne permettent pas de savoir dans quelle mesure le personnel utilise vraiment ces équipements. Il faudra attendre l'évolution des questions liées aux règles d'hygiène et de sécurité mais aussi des moeurs professionnelles pour que des équipements de protection individuelle s'imposent.
Ci-contre, à gauche : Marché de la Madeleine : nettoyage par les balayeurs municipaux et passage du camion-benne. Février 1992. Photographie sans nom. AMO 3Fi2443.
Un manque d'hygiène et de sécurité
La matière ramassée est source d’inconfort et de maladies. Le personnel est confronté aux ordures en cours de putréfaction tels que les déchets de cuisine mais aussi les cadavres d’animaux morts. Le tout exhale de mauvaises odeurs en se désagrégeant et d’autant plus quand il fait chaud. La vermine, tels que les rats, les volatiles, les mouches ou les vers, grouille. Les tessons de vaisselles ou le verre non triés par les habitants causent des blessures, tout comme les récipients utilisés pour faire office de poubelle. Dans les années 1930, une note rappelle que le personnel se blesse régulièrement les mains en manipulant les boîtes à ordures de fer blanc, à cause des angles coupants mais aussi des bavures de métal qui dépassent à force d’usure, ce qui sous-entend que les éboueurs ne portent pas de gants. Les plaies s’aggravent du fait des bactéries inhérentes au pourrissement des matières. La mairie rappelle aux Orléanais que le nettoyage des boîtes à ordures tient tout autant d’un enjeu de santé publique que de celle du personnel. Ces éléments sont régulièrement communiqués aux Orléanais par voie de presse.
Par ailleurs, dans les canches, le garde qui travaille toute la journée dans les immondices, est confronté aux incendies et aux chiffonniers qui glanent en dépit des dangers. À partir des années 1950, le bruit du bulldozer est aussi un désagrément.
L’aménagement de locaux quai Barentin, en 1934, puis rue Hatton, en 1967, permet d’offrir des locaux équipés de vestiaires, douches et sanitaires. Sur le terrain, la mise en place de la collecte hermétique, dans les années 1970, est une avancée pour la réduction du port de charge et du contact avec les déchets.
Marché de la Charpenterie : passage du camion-benne. Photographie sans nom. Février 1992. AMO 3Fi2453.
Le saviez-vous ?
Le métier de cantonnier est institutionnalisé au début du 19e siècle. Cet agent est préposé à l’entretien des routes ou des voies ferrées et de leurs abords. À ce titre, il est amené, entre autres travaux plus techniques, à débarrasser la chaussée de tout ce qui peut faire obstacle comme les immondices. Chargé d’évacuer les terres et poussières ou encore de désherber, il n’est pas un agent chargé des ordures ménagères mais joue un rôle important, tout comme le balayeur, pour la salubrité publique.